LES RÉPUBLICAINS

À L'ASSEMBLÉE NATIONALE

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Nous voilà de nouveau réunis pour examiner deux motions de censure déposées en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution. À travers elles, nous sommes d’abord appelés à nous prononcer sur la manière dont le Gouvernement et sa majorité présidentielle ont mené les débats sur la quatrième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.

Sur le plan de la méthode, avec mes collègues du groupe Les Républicains, nous partageons le sentiment d’un immense gâchis. Comment peut-on croire que le Gouvernement cherche sincèrement à travailler avec le Parlement alors que vous avez permis d’examiner seulement six des presque quarante articles que compte cette quatrième partie ? Comment peut-on croire que le Gouvernement cherche sincèrement à travailler avec le Parlement alors que vous ne nous avez laissé que dix heures pour examiner plus de 500 milliards de budget, bien loin du temps habituel consacré à l’examen du PLFSS ces dernières années ?

Même si ce 49.3, largement annoncé, semblait inévitable, vous l’avez dégainé précipitamment. Et c’est regrettable. Vous esquivez de nouveau le débat sur le PLFSS après un 49.3 sur la troisième partie qui avait déjà empêché d’étudier le moindre amendement, le moindre article. Vous nous avez ainsi empêchés de débattre dans l’hémicycle de la ponction malvenue de 2 milliards sur la branche famille ou du transfert inopportun – même reporté d’un an – du recouvrement des cotisations Agirc-Arrco à l’Urssaf.
Pourtant, nous n’étions pas dans une logique binaire. Nous aurions pu examiner l’ensemble des articles de cette quatrième partie dans un délai raisonnable. Cela aurait permis de constater les points d’accord et de désaccord et surtout de débattre des mesures à améliorer.

Car certains articles apportent de réelles avancées. C’est par exemple le cas de l’octroi aux personnes éligibles à l’aide personnalisée à l’autonomie de deux heures de soutien dédiées à l’accompagnement et au lien social. Une telle mesure, bien que modeste, prévue par l’article 34, va dans le bon sens. C’est aussi le cas de la réforme du complément de libre choix du code de garde et de son extension aux enfants âgés de 6 à 12 ans inscrites à l’article 36. Cette extension aurait pu toutefois ne pas se limiter aux seules familles monoparentales car les enfants dont les deux parents travaillent ont aussi besoin, à 6, 7 ou 8 ans, d’être gardés.

D’autres articles nécessitaient d’être profondément réécrits et davantage concertés avec les premiers concernés comme ceux relatifs au médicament ou à l’imagerie médicale.
Enfin, certains articles méritaient d’être supprimés. Je pense notamment aux contraintes injustifiées que vous voulez imposer aux entreprises à l’article 37. Vous prenez ainsi le risque de fragiliser la trésorerie de nos TPE-PME – très petites entreprises et petites et moyennes entreprises – qui n’ont pas besoin de cela dans le contexte actuel.

Bref, il y avait de la place pour le débat. Pourquoi ne pas avoir attendu la fin de l’examen du texte ? En utilisant 49.3 de façon si prématurée, vous donnez l’impression d’avoir voulu éviter le débat. En procédant de la sorte, vous méprisez aussi un peu le travail parlementaire.

Il est important, quel que soit l’arbitrage final du Gouvernement, que la représentation nationale puisse relayer ici, auprès de lui, les attentes et les inquiétudes du terrain. Ne l’empêchez pas, créez plutôt les conditions pour le permettre. Afin que nos compatriotes ne perdent pas confiance dans la démocratie représentative, il vous faudra impérativement développer une éthique de l’usage du 49.3 plus respectueuse du Parlement.
Cela étant dit, il nous faut un budget de la sécurité sociale pour l’année prochaine afin d’assurer la continuité de nos services publics. Face à l’inflation galopante, notre système de protection sociale, nos établissements, nos acteurs de santé, nos retraités et nos familles doivent être protégés par des mesures adaptées. Il serait profondément irresponsable à cet instant, pour des intérêts de petite politique politicienne, de provoquer un chaos institutionnel et une vacance gouvernementale.

C’est cet esprit de responsabilité qui anime le groupe des Républicains.
Alors oui, il faut à la France un PLFSS. Mais un bon PLFSS. Et ce n’est malheureusement pas le cas de celui que défend votre gouvernement.

Le premier problème de ce PLFSS, c’est l’absence de vision qui le caractérise. Laquelle est en réalité une absence de courage, synonyme d’incapacité à concevoir des réformes à même de pérenniser notre système de retraite ; incapacité à prendre à bras-le-corps le problème de la bureaucratisation excessive ; incapacité à s’attaquer réellement à la fraude, au-delà des discours, même si la fin du versement des allocations sociales sur les comptes bancaires étrangers va dans le bon sens, il faut faire plus ; incapacité à revaloriser le travail par rapport à l’assistanat ; incapacité enfin à proposer une politique du grand âge et à faire de la protection de nos aînés, qui méritent tout notre respect et toute notre attention, une priorité. Nous déplorons votre énième report de la loi grand âge.

Le deuxième problème de ce PLFSS, ce sont les iniquités, les injustices dont il est parsemé. Il s’agit sans doute du péché originel de ce texte car vous persistez à vous inscrire dans la vision politique du quinquennat de François Hollande, confirmée et amplifiée sous celui d’Emmanuel Macron. Madame la Première ministre, vous avez revendiqué mercredi dernier un PLFSS « de progrès ». Mais où est le progrès quand vous faites peser un tel endettement sur les générations futures ? Où est le progrès quand vous ponctionnez autant la branche famille et la branche accidents du travail et maladies professionnelles alors qu’elles pourraient permettre d’améliorer vraiment le soutien aux familles et la prévention.

La France du travail et du mérite serait maintenant la priorité du Président de la République… Pourtant, il n’y a rien pour les classes moyennes. Prenons un couple d’enseignants : ils n’auront droit ni à l’indemnité inflation, ni au chèque alimentaire, ni à MaPrimeRénov’ pour leur logement, et il n’est prévu aucun soutien supplémentaire pour leurs enfants. Rappelons que les mesures ciblées excluent les couples avec enfants qui travaillent. Pire, les coups de rabot des années précédentes sur le quotient familial, sur la prestation d’accueil du jeune enfant et sur les allocations familiales les pénalisent aujourd’hui. Et où est le progrès quand vous avez supprimé la majoration des indemnités journalières maladie pour les mères de trois enfants et plus ?
Vous l’aurez donc compris : nous ne soutenons pas ce texte. Pas par principe, pas par une volonté cynique de s’opposer à tout ce qui ne viendrait pas de notre groupe, mais parce que le compte n’y est pas !

Si aujourd’hui les Insoumis et le RN nous proposent de censurer le Gouvernement, c’est bien parce qu’ils considèrent que les projets alternatifs qu’ils défendent seraient meilleurs. Mais quels sont ces projets ? Entre ceux qui multiplient les taxes, cotisations et impôts, menaçant l’emploi et le pouvoir d’achat des Français, et ceux qui font l’impasse sur l’équilibre budgétaire, menaçant les générations futures et notre souveraineté (Exclamations sur de nombreux bancs des groupes RN et LFI-NUPES) , comment peut-on penser un instant que Les Républicains puissent voter une motion de censure qui soutienne de tels programmes ?

En toute connaissance de cause, nous ne pouvons pas soutenir la fin de l’exonération fiscale des heures supplémentaires qui pénaliserait des millions de travailleurs, d’autant que leur pouvoir d’achat est déjà bien malmené avec les frais d’essence, pas plus que nous ne pouvons soutenir des mesures non financées telles que le retour généralisé de la retraite à 60 ans, qui coûterait près de 26 milliards. Comme les dépenses non financées d’aujourd’hui sont les impôts de demain et que nous ne voulons pas transmettre à nos enfants une dette sociale abyssale, comment envisager que Les Républicains puissent voter des motions qui soutiennent de tels programmes ?

Soyons clairs : le projet de la majorité présidentielle n’est certainement pas le nôtre, mais, pardonnez-moi de vous le dire, chers collègues, celui des Insoumis et celui du RN non plus.
Attention à ne pas tromper les Français sur ce qu’implique une motion au sens de l’article 49.3 de notre Constitution. Il ne s’agit pas de se prononcer sur le Président de la République, irresponsable devant notre Parlement, ni non plus d’un vote de confiance qui diffère dans sa logique. On voudrait aujourd’hui nous enfermer dans un dilemme kafkaïen en nous obligeant de choisir et de rejoindre un des trois blocs. Eh non, désolé, nous sommes libres et nous le resterons !

Nous ne nous laisserons pas enfermer dans une logique de blocs dont nous ne partageons pas les solutions pour la France. Nous incarnons ce que nous avons promis à nos électeurs : une droite républicaine indépendante, force de propositions, fidèle à ses valeurs, qui soutiendra ce qui ira dans le bon sens et s’opposera quand cela ne sera pas le cas. Nous l’avons fait cet été – cela a d’ailleurs renforcé le rôle du Parlement –, obtenant que soient totalement revus les projets du Gouvernement afin que le pouvoir d’achat de ceux qui travaillent soit amélioré… Dommage qu’il soit à nouveau affaibli, au grand dam des classes moyennes. Oui, nous sommes libres d’incarner avec force une alternative responsable, crédible et cohérente, qui refuse non seulement le blocage systématique mais aussi un blanc-seing au Gouvernement.

Héritiers du gaullisme, nous respectons nos institutions et sommes porteurs de convictions solidement ancrées que nous aurions voulu inscrire dans ce PLFSS : la nécessité d’un modèle de sécurité sociale financé et basé sur le renouvellement des générations, la nécessité d’un modèle qui incite au travail tout en aidant ceux qui en ont besoin. Ce qui compte, ce ne sont pas les postures politiciennes ni les calculs du Président de la République, mais bien les solutions que nous devons à nos concitoyens. La France voit son modèle de protection sociale fragilisé par son endettement croissant, par les abus récurrents, par une démographie en deçà du seuil du renouvellement des générations et par le faible écart entre les revenus du travail et ceux de l’assistanat. Est-ce que le PLFSS que vous nous proposez est à la hauteur de ces défis ? Non ! Il y a encore dix ans, la France avait deux atouts : son énergie peu chère et son taux de natalité. Après dix ans de socialo-macronisme, notre pays connaît des difficultés structurelles.

Ce PLFSS s’inscrit malheureusement dans la continuité des précédents.
Parce que nous nous faisons une certaine idée de la France, nous ne pouvons cautionner ni le chaos ni la chienlit.
Parce que nous souhaitons la réussite de la France, nous ne pouvons cautionner ni des politiques publiques proposées par les auteurs de ces motions, ni nous satisfaire d’un texte si décevant qui fait l’impasse sur des réformes de structure et qui manque cruellement d’ambition pour la France.
Parce que nous croyons à la commune et à la famille comme cellules de base de notre société, nous ne pouvons soutenir des budgets qui ne les confortent pas. Les réformettes ne pourront pas masquer les coups de rabot répétés depuis dix ans et les ponctions supplémentaires sur la branche famille.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne voterons pas ces motions. Cela ne vaut pas blanc-seing au Gouvernement, bien au contraire (Exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI-NUPES) : notre vigilance pour l’avenir de notre sécurité sociale en sera redoublée.