Mme la présidente

La parole est à M. Alexandre Portier.

M. Alexandre Portier

Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale. Je ne citerai qu’un chiffre et un exemple. Le chiffre, c’est 1 500, soit le nombre de postes d’enseignants que vous supprimerez à la rentrée prochaine…

M. Xavier Breton

Dans l’Ain notamment !

M. Alexandre Portier

…à l’heure où nos classes sont déjà les plus surchargées de toute l’Europe.À Trades, petit village du Haut-Beaujolais, que je connais bien, en tant que député du Rhône, la commune a investi ces dernières années plus de 150 000 euros dans son école. Des générations entières de familles se sont succédé dans cet établissement dont on envierait les résultats partout en France. Il compte même un champion de lecture qui défendra nos couleurs au niveau départemental – une vraie fierté pour le village.Seulement voilà : cette école ne réunissant cette année que neuf élèves, on s’empresse de la fermer. Dans quatre ans, elle retrouverait un effectif de quinze élèves, car le Rhône gagne des habitants, ses effectifs n’ont cessé de remonter, mais, au lieu de proposer des pistes pour soutenir l’école face à ce creux, on se dépêche de faire une croix sur elle.Partout en France, au lieu d’alléger les classes, vous en fermez. C’est un non-sens absolu. D’autant que vous n’avancez jamais un chiffre global. Des centaines de fermetures s’annoncent, à la ville comme à la campagne, dans des petits villages comme Trades mais aussi à Paris, provoquant la colère des élus, des maires, des parents et des enseignants.Aujourd’hui, je vous demande de nous dire clairement combien de classes vous fermerez à la rentrée partout en France. S’agissant plus particulièrement du Haut-Beaujolais, renoncerez-vous enfin à condamner non seulement l’école mais aussi le village de Trades, son dernier commerce et les familles qui viennent de s’y installer ?

M. Patrick Hetzel

Très bonne question !


Mme la présidente

La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Maxime Minot

Et des fermetures de classes !

M. Pap Ndiaye

Votre question s’inscrit dans le contexte, vous le savez, d’une baisse très importante des effectifs scolaires à l’échelle du pays. Dans votre département, nous compterons ainsi 3 000 élèves de moins à la rentrée 2023. Au passage, vous noterez que la baisse du nombre de postes coïncide avec la baisse des effectifs, contrairement à ce qui s’est produit à certains moments, par exemple entre 2007 et 2012, lorsque le nombre de postes baissait alors que les effectifs scolaires augmentaient – mais cet aspect est sans doute secondaire.

M. Benjamin Lucas

Moratoire sur les fermetures de classes !

M. Pap Ndiaye

J’en viens au point principal. Le ministère de l’éducation nationale doit, je vous le concède, faire mieux en matière de pluriannualité afin que les communes, en particulier, puissent envisager leurs investissements – y compris en matière de bâtiments – dans une perspective relativement longue.

M. Patrick Hetzel

Et il faut traiter plus spécifiquement la ruralité ! Cela reste un vrai sujet !

M. Pap Ndiaye

Les enfants qui naissent aujourd’hui seront scolarisés dans exactement trois ans. Le ministère travaille sur des perspectives pluriannuelles…

M. Benjamin Lucas

Cessez de fermer des classes, c’est tout !

M. Pap Ndiaye

…dans le cadre, bien sûr, d’une collaboration et d’un échange avec les collectivités.

Mme Catherine Couturier

Menteur !

M. Pap Ndiaye

Nous devons étudier les questions liées à la ruralité de façon globale car les services de l’État ne doivent pas travailler en silo. C’est pourquoi je suis en lien avec ma collègue Dominique Faure.Enfin, je rappelle que nous sommes au mois de mars. Des ajustements sont opérés en ce moment et jusqu’en juin. D’ultimes ajustements interviendront en août. Cela m’empêche de répondre précisément à votre question à ce stade – ce que je pourrai faire en août.

Mme Catherine Couturier

N’importe quoi ! Les communes n’ont pas le temps d’attendre le mois de juin pour savoir si une classe va fermer !


Mme la présidente

La parole est à M. Alexandre Portier.

M. Alexandre Portier

Vous ne répondez pas à la question, c’est bien dommage. Surtout, vous ne pouvez pas justifier les fermetures de classes par une baisse de la démographie scolaire, alors que nos classes sont les plus surchargées des pays d’Europe et de l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques.Il faut enfin dire la vérité : les classes que l’on ferme ne rouvrent jamais et lorsque des villages sont morts, ils le sont à jamais.

M. Rodrigo Arenas

Absolument !

M. Maxime Minot

Eh oui ! Encore une différence entre la ville et la campagne ! Vous n’aimez pas la campagne !


 

Mme la présidente

La parole est à M. Jean-Louis Thiériot.

M. Jean-Louis Thiériot

Ma question s’adresse à M. le garde des sceaux.

M. Maxime Minot

Il n’est pas là non plus !

M. Jean-Louis Thiériot

La France a besoin de prisons. Faute de places, vous avez donné instruction aux procureurs généraux de donner la priorité, chaque fois que cela est possible, aux peines alternatives à l’emprisonnement. Cette absence de construction de places de prison est en grande partie à l’origine de l’explosion de la délinquance que nous connaissons : sur les 15 000 places promises, seules 2 000 ont été construites. Il faut construire des prisons, mais il faut en construire opportunément, au bon endroit, en tenant compte de la cohérence de l’action publique.Notre pays a fait le choix d’aller vers une politique de lutte contre l’artificialisation des terres – nous nous en félicitons. Or vous avez décidé de construire une prison au milieu de terres agricoles sur la commune de Crisenoy, dans ma circonscription de Seine-et-Marne.

M. Jean-Paul Lecoq

Tu veux des prisons ? T’en as une !

M. Jean-Louis Thiériot

La décision n’a fait l’objet d’aucune concertation sérieuse avec les habitants de Crisenoy, qui l’ont vécue comme un véritable bras d’honneur aux communes rurales.

M. Jean-Paul Lecoq

C’est sûr qu’il aurait mieux valu construire une école !

M. Jean-Louis Thiériot

Lors de la visite de vos services à Crisenoy, la semaine dernière, l’Agence publique pour l’immobilier de la justice (Apij) a présenté les décisions comme arrêtées, après avoir toujours refusé de faire une étude comparative. D’autres solutions étaient possibles : je pense en particulier à la friche industrielle du Clos Saint-Louis dans la ville de Dammarie-lès-Lys.

M. Jean-Paul Lecoq

Ah ! C’est toujours mieux chez les autres !

M. Jean-Louis Thiériot

Monsieur le garde des sceaux, ma question est très simple : y a-t-il une cohérence entre la politique de la justice et la politique de l’environnement ?

M. Ian Boucard

Très bonne question !

M. Jean-Louis Thiériot

Renoncez au site de Crisenoy.

M. Jean-Paul Lecoq

Renoncez à construire des prisons tout court et valorisez la prévention !

M. Jean-Louis Thiériot

Il n’est pas trop tard pour conjuguer justice et écologie et en faire un exemple de l’action de l’État !


Mme la présidente

La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu

Je vous le concède, il est assez singulier que ce soit moi qui réponde à une question originellement adressée au garde des sceaux, dont je vous prie de bien vouloir excuser l’absence aujourd’hui. Mais puisque vous posez la question de la compatibilité éventuelle de la lutte contre l’artificialisation des sols et de la construction de prisons, il me revient d’y répondre.

M. Sébastien Jumel

C’est un peu tiré par les cheveux…

M. Christophe Béchu

La prison de Crisenoy s’inscrit dans un projet de construction de 15 000 places de prisons, présenté le 20 avril 2021.

M. Benjamin Lucas

Défendez plutôt les terres agricoles, c’est votre boulot !

M. Christophe Béchu

Celui-ci fait suite au constat général de la surpopulation carcérale, mais aussi à ce constat plus particulier : c’est non le nombre de prisons qui doit déterminer les décisions des juges, mais l’état de la délinquance et la volonté de la société – voilà ce qui garantit une réponse pénale appropriée. Je ne pense pas que vous contestiez le nombre de places de prisons : il est moindre que les 16 000 et les 20 000 places que François Fillon et Valérie Pécresse avaient respectivement proposées.

M. Maxime Minot

Ils étaient de votre famille politique, non ?

M. Christophe Béchu

C’est plutôt le sujet de la localisation que vous évoquez. Dès le mois d’avril 2021, le site de Crisenoy a été identifié. À la question écrite que vous aviez posée au mois d’octobre de la même année, il vous a été répondu que ce site, situé sur un terrain agricole, a été choisi par la communauté de communes sur la zone d’aménagement concerté (ZAC) de Crisenoy-Fouju. Celle-ci était de toute façon inscrite dans une trajectoire d’artificialisation et les documents locaux d’urbanisme ne lui donnaient plus de destination agricole.En parallèle, la semaine dernière, le Gouvernement, conformément aux engagements pris devant l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) et à l’intervention de la Première ministre, a déposé un amendement sur la proposition de loi sénatoriale visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires…

M. Maxime Minot

Qu’est-ce qu’on a fait pour qu’on nous oblige à écouter ça ?

M. Christophe Béchu

…et de préciser que les grands projets d’envergure nationale ne doivent pas faire l’objet d’une comptabilité par commune. Il convient en effet de les compter à part pour les sujets qui relèvent de la souveraineté, de la décarbonation ou du domaine régalien.De ce point de vue, ces deux trajectoires ne sont pas incompatibles, compte tenu à la fois de cet amendement et du texte qui vous sera soumis bientôt.


 

Mme la présidente

La parole est à M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier

Ma question, à laquelle j’associe Stéphane Viry, s’adresse à M. le ministre de la santé et de la prévention. Elle concerne la situation alarmante que va connaître l’hôpital public avec l’entrée en vigueur de la loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist, dans quelques jours. L’encadrement des rémunérations des médecins intérimaires est une intention louable et même souhaitable, mais pas dans les conditions actuelles, car elle va avoir des conséquences terribles sur l’organisation de l’offre de soins. Dans la région Grand Est, 90 % des établissements sont touchés. Dans les Vosges, la continuité de service est assurée par le seul recours à l’intérim dans de nombreuses spécialités.L’offre de soins est en grand danger car la fermeture de certains services fait peser des risques vitaux sur les patients. Citons la fermeture de la maternité d’Épinal, où ont lieu chaque année 1 200 accouchements, ou celle des urgences de Vittel qui devraient pourtant fonctionner sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Si elles étaient mises à l’arrêt, 81 % de la population rattachée à la zone qu’elles couvrent – 44 000 habitants, 150 communes rurales – se trouveraient à plus de trente minutes d’un service d’urgences et, par un effet domino, le site de Vittel dans son ensemble serait menacé. C’est inacceptable sur le plan de la santé publique comme de l’économie.M. le ministre prendra-t-il la responsabilité de mettre en œuvre une décision qui viendrait renforcer les inégalités d’accès aux soins d’urgence entre ruraux et urbains ?


Mme la présidente

La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

M. Olivier Véran

Vous interrogez le Gouvernement sur une mesure de régulation qui permettra de mettre, nous l’espérons, un coup d’arrêt aux dérives de la pratique de l’intérim médical. Tout recours à l’intérim n’est pas à jeter à la poubelle, bien sûr. Il peut s’avérer nécessaire lorsqu’il s’agit de remplacer des personnes ayant un congé maladie ou un congé maternité. Toutefois, lorsqu’il devient la norme, lorsque des médecins exigent 1 500, 2 000, 2 500 euros pour une garde de vingt-quatre heures, cela met en péril la continuité des soins, la sécurité financière des établissements et cela crée une spirale inflationniste. C’est pourquoi les parlementaires ont décidé d’instaurer une régulation par un plafond qui n’a rien de déraisonnable puisqu’il s’établit à 1 170 euros pour chaque garde de vingt-quatre heures,…

M. Fabien Di Filippo

C’est déjà beaucoup d’argent !

M. Olivier Véran

…dont plusieurs peuvent être effectuées au cours d’une même semaine ou d’un même mois.Les habitants et les soignants de votre territoire savent pouvoir compter sur votre détermination à préserver les structures de soins dans la région de Vittel, notamment les services d’urgences. Vous avez associé à votre question votre collègue Stéphane Viry auquel s’adresse aussi ma réponse. Sachez tous deux que les habitants et les soignants de ce territoire pourront aussi compter sur la détermination du Gouvernement, donc de l’État à organiser ces structures, notamment celles de Vittel, de manière à assurer dans la durée la continuité et la sécurité des soins.

M. Patrick Hetzel

Cela concerne beaucoup d’établissements !

M. Olivier Véran

Nous ne laisserons ces structures ni fermer, ni péricliter, ni même s’abîmer, ne serait-ce que parce que votre territoire, parce qu’il est agréable, voit sa population grandir pendant la saison estivale. Vous pouvez compter sur le Gouvernement : nous continuerons à travailler avec vous. Je parle au nom du ministre de la santé, François Braun, avec lequel je me suis entretenu de cette question avant de vous répondre.


Mme la présidente

La parole est à M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier

Après les remerciements aux soignants pendant la crise du covid et les promesses du Ségur, on ne peut s’en tenir aux constats et se contenter d’attendre de voir comment les choses se passent au bout de quinze jours. On ne peut pas jouer à pile ou face avec la santé de nos concitoyens et le moral des personnels hospitaliers.Le premier devoir de l’État est de protéger les Français, notamment dans le domaine de la santé.


 

Mme la présidente

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz

On lit ceci dans le rapport public annuel de la Cour des comptes : « La situation des finances publiques de la France restera ainsi en 2023 parmi les plus dégradées dans la zone euro […]. »

M. Patrick Hetzel

Eh oui, c’est un vrai problème !

Mme Marie-Christine Dalloz

Nous ne pouvons pas continuer sur cette voie.

M. Laurent Jacobelli

Ah, ça !

Mme Marie-Christine Dalloz

La Cour des comptes vous exhorte à une plus grande responsabilité budgétaire, sans quoi vous précipiterez la France dans un gouffre dont nous ne pourrons plus nous extraire. Notre souveraineté est en péril.

M. Laurent Jacobelli

Eh oui !

Mme Marie-Christine Dalloz

La Commission européenne juge que les risques sont élevés sur la soutenabilité de la dette publique française à moyen terme : elle dépassera 111 % du PIB à la fin de l’année.L’année 2023 devait sonner la fin du « quoi qu’il en coûte ». Pourtant, les mesures prises pour amortir le choc inflationniste continueront de peser à hauteur de 36 milliards d’euros sur la dépense. Vous persistez dans votre politique du carnet de chèques consistant à déployer un catalogue de mesures mal ciblées, donc trop coûteuses. À 58 % du PIB, la France affiche les dépenses publiques les plus élevées de la zone euro, pour des services publics toujours moins efficaces. Parallèlement, les dépenses hors crise continuent de s’envoler : elles ont crû de 3,5 % en volume en 2022, hors inflation.Nous décrochons sur tous les fronts et vous regardez ailleurs. Il est impératif de redresser la trajectoire. Malheureusement, cela nécessite une détermination politique dont vous n’avez jamais fait preuve depuis 2017. Qu’arrivera-t-il lorsque nous nous retrouverons aux côtés de la Grèce et de l’Italie dans le trio de tête des pays les plus endettés de la zone euro ?


Mme la présidente

La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Laurent Jacobelli

Et de la dette !

M. Patrick Hetzel

De la dette abyssale !

M. Bruno Le Maire

Je rappellerai tout d’abord que lorsque nous sommes arrivés, en 2017, nous avons sorti la France de la procédure pour déficit excessif, rétabli les comptes publics et ramené le déficit public sous la barre des 3 % du PIB.J’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises : nous partageons le constat de la Cour des comptes – j’ai même dressé un constat similaire dès le mois de juin. Nous avons commencé à rétablir les finances publiques : c’est un impératif non négociable.

M. Pierre Cordier

Avec un déficit de 155 milliards ?

M. Bruno Le Maire

La première étape consiste à sortir du « quoi qu’il en coûte ». Nous en avons amplement discuté ensemble – j’ai d’ailleurs pu compter sur le soutien de députés du groupe Les Républicains pour mettre fin à la remise sur l’intégralité du carburant pour tous les consommateurs, et pour la remplacer par une indemnité carburant travailleurs, plus ciblée. Nous avons également voulu concentrer les aides aux entreprises sur celles qui en ont le plus besoin. Nous en avons débattu, mais certains d’entre vous souhaitaient que nous préservions un bouclier pour toutes les entreprises.

M. Patrick Hetzel

Il fallait sortir de la fixation tarifaire européenne, c’est ça, le vrai sujet !

M. Bruno Le Maire

Nous avons donc choisi de cibler les aides pour, encore une fois, sortir du « quoi qu’il en coûte ».Nous avons désormais un objectif, un calendrier et une méthode. L’objectif – vous l’avez rappelé – est de passer de près de 58 % de dépenses publiques par rapport à la richesse nationale à 54 % : tel est le cap qui nous a été fixé pour revenir sous les 3 % de déficit public en 2027.La méthode est celle de la revue des dépenses publiques. Nous examinerons chacune des dépenses publiques de l’État, des collectivités locales et des associations pour déterminer, sous l’autorité de la Première ministre, où des économies peuvent être réalisées.

M. Pierre Cordier

Et dire que vous êtes aux affaires depuis six ans !

M. Bruno Le Maire

Là encore, je compte sur votre soutien, votre vigilance et vos propositions.Enfin, le calendrier est très précis : le 30 mars, je recevrai le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, pour travailler avec lui. Nous présenterons le programme de stabilité le 12 avril. Sous l’autorité de la Première ministre, nous tiendrons un séminaire gouvernemental visant à réduire les dépenses publiques de l’État. Enfin, des assises des finances publiques se dérouleront fin juin en vue de préparer le projet de loi de finances pour 2024, qui doit comporter des milliards d’euros de réduction des dépenses publiques.


Mme la présidente

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz

Un enseignant dirait à un élève : « Peut mieux faire. » Nous vous avons proposé un plan de sobriété bureaucratique lors de l’examen du dernier projet de loi de finances. Saisissez cette occasion, et allons vers une dépense plus efficace.


 

Mme la présidente

La parole est à M. Philippe Juvin.

M. Philippe Juvin

La faillite très grave de la Silicon Valley Bank (SVB) n’est pas un accident, mais le signe de la crise d’un système dans lequel nous avons tous vécu au niveau mondial : celui de l’argent prétendument gratuit. C’est aussi le signe que toutes les banques, petites ou grandes, ont des effets systémiques affectant toute l’économie. À ce titre, elles devraient toutes, quelle que soit leur taille, être soumises aux mesures décidées par le régulateur.Vous avez dit, monsieur le ministre de l’économie, que les banques françaises étaient beaucoup mieux protégées, et vous avez raison : depuis 2008, le législateur national et le législateur européen ont multiplié les règles prudentielles pour assurer des ratios de solvabilité et de liquidités garantissant bien mieux les dépôts des épargnants européens – et français en particulier – que le système américain.Toutefois, il existe peut-être des trous dans la raquette européenne. En effet, les débats au Parlement et au Conseil européens ont montré que des banques régionales – essentiellement allemandes, mais aussi espagnoles et italiennes – ont pour partie échappé aux règles de régulation particulièrement strictes qui sont imposées aux banques françaises. À cela s’ajoute, depuis dix ans, une immense fragmentation du marché, puisque chaque État applique un peu à sa sauce la réglementation européenne. La Cour des comptes européenne a donc récemment souligné la très grande complexité d’application de la réglementation.Pourriez-vous demander à la Commission européenne de soumettre l’ensemble des banques, en particulier les banques régionales, à un, un test de résistance bancaire ?

M. Patrick Hetzel

Très bien !

M. Philippe Juvin

Votre première arme, monsieur le ministre, c’est la confiance. Dans cette optique, seriez-vous prêt à envisager l’augmentation du seuil de garantie des dépôts bancaires des épargnants, ce qui nécessiterait l’abondement du Fonds de résolution unique – caisse de garantie des épargnants – et donc sa prorogation au-delà de 2023 ?


Mme la présidente

La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Bruno Le Maire

Si je partage votre analyse, je pense sincèrement que les Européens ont tiré toutes les leçons de la crise financière de 2008  : la protection du système des banques européennes – en particulier des banques françaises – a été renforcée et est désormais solide. Je tiens à rassurer tous les épargnants et entrepreneurs ayant déposé leurs fonds auprès des banques françaises, et je répète donc avec beaucoup de gravité que la faillite de la SVB ne fait pas courir de risques aux banques françaises et au système bancaire français.Le montant des fonds propres exigé des banques françaises a été doublé suite à la crise de 2008 et est désormais fixé à 550 milliards d’euros. Le ratio de solvabilité, qui a donc été considérablement renforcé, et le ratio de liquidité ne s’appliquent cependant qu’aux banques européennes – françaises notamment –, et non aux banques régionales américaines. Partant, lorsque ces dernières réalisent un mauvais placement et subissent des pertes latentes, elles n’ont pas de liquidités ni de collatéral – c’est-à-dire de garantie – pour protéger les dépôts des épargnants et des entrepreneurs.Devons-nous aller plus loin dans les mécanismes européens ? Oui : nous avons tout intérêt à renforcer encore l’union bancaire. Nous avons d’ores et déjà instauré un mécanisme de supervision unique – premier progrès – et, deuxième progrès, doté le Fonds de résolution unique de 75 milliards d’euros – nous devons d’ailleurs être bien conscients que la France abondant à ce fonds, nous n’avons pas forcément intérêt à renforcer davantage les exigences en termes de capital. Nous serons, en revanche, très favorables à l’instauration d’un système de résolution unique en cas de crise bancaire, afin qu’en cas de défaillance d’une banque européenne, les actionnaires et les banques paient, et non les contribuables. Telle est la prochaine étape de l’union bancaire que nous sommes bien déterminés à faire aboutir.


 

Mme la présidente

La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard

Ma question s’adresse à Mme la Première ministre.Nouvelle illustration du « en même temps » cher au Président de la République, notre pays a réussi la performance diplomatique d’être en froid et avec l’Algérie et avec le Maroc.

M. Patrick Hetzel

Eh oui !

Mme Annie Genevard

Le Maroc a rappelé son ambassadeur à Paris le 19 janvier dernier et dénoncé ces derniers jours des relations avec la France qui ne sont, selon les mots du royaume, « ni bonnes ni amicales ». Quel terrible constat de la part de ce pays traditionnellement ami du nôtre !

M. Patrick Hetzel

Eh oui !

Mme Annie Genevard

Le 8 février, c’était au tour de l’Algérie de rappeler son ambassadeur pour consultations, afin de protester contre l’exfiltration de la militante algérienne Amira Bouraoui.

M. Michel Herbillon

On est fâchés avec tout le monde !

Mme Annie Genevard

Dans la foulée, le pays annonçait qu’il cesserait de délivrer les indispensables laissez-passer consulaires. Très concrètement, cela signifie que l’Algérie ne reprend désormais plus aucun de ses ressortissants expulsés par la France.Au-delà des conséquences diplomatiques, qui contribuent à affaiblir toujours plus notre pays déjà à la peine sur le continent africain, cette crise avec deux pays majeurs du Maghreb révèle une fois de plus l’échec de votre politique d’expulsion des étrangers en situation irrégulière sur notre territoire.

M. Maxime Minot

Eh oui !

Mme Annie Genevard

Seules 0,2 % des obligations de quitter le territoire français (OQTF) vers l’Algérie sont exécutées et 2,4 % vers le Maroc.Dans ces conditions diplomatiques particulièrement défavorables, comment comptez-vous réaliser la promesse de votre ministre de l’intérieur de mener à bien 100 % des OQTF – engagement qui apparaît au mieux comme un vœu pieux, au pire comme une promesse à laquelle personne de sérieux ne peut accorder le moindre crédit ?

M. Philippe Gosselin

C’est bientôt Noël !


Mme la présidente

La parole est à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Mme Catherine Colonna

La France est liée au Maroc et à l’Algérie par des liens d’une nature exceptionnelle ; des liens qui dépassent les personnes et les contingences, car ils prennent racine dans une histoire partagée d’une richesse, mais aussi d’une complexité hors du commun – vous l’avez dit.Ces liens hors du commun, nous pouvons les voir à l’œuvre avant tout dans les échanges humains.

M. Michel Herbillon

C’est quoi cette langue de bois ?

Mme Catherine Colonna

Nos trois pays sont indéfectiblement liés par leurs jeunesses, par leurs étudiants, par leurs langues, par leurs histoires, et par les histoires familiales imbriquées dans la grande histoire.

M. Pierre-Henri Dumont

C’est rédigé par un stagiaire de troisième !

Mme Catherine Colonna

Cela étant, dans ce genre de relation étroite, on ne peut parfois éviter – nous le savons – que ne surviennent des périodes de doute, ou quelques accrocs.

M. Pierre Cordier

C’est bien de le reconnaître, mais c’est un euphémisme !

Mme Catherine Colonna

Ce qui compte, c’est ce que nous voulons pour l’avenir, par-delà ses vicissitudes. C’est le sens de la visite d’amitié du Président de la République en Algérie fin août dernier, et de celle de Mme la Première ministre en octobre, visites qui ont l’une et l’autre tracé des perspectives pour le temps long entre nos deux pays, y compris sur le plan mémoriel.

M. Michel Herbillon

Pour quels résultats ?

Mme Catherine Colonna

J’ajouterai d’ailleurs qu’il est de la responsabilité de tous de contribuer au développement de notre relation avec l’Algérie.Ce que nous voulons pour l’avenir, c’est aussi ce que j’ai présenté au Maroc en décembre, lors d’une visite qui a posé un jalon important et qui, comme vous le savez, était nécessaire.

M. Michel Herbillon

Pouvez-vous répondre à la question sur les OQTF ?

Mme Catherine Colonna

Ainsi, avec le Maroc comme avec l’Algérie, nous regardons vers l’avenir, car nous avons une ambition forte et car nous entendons poursuivre le travail au bénéfice de nos peuples, et particulièrement de nos jeunesses.

M. Pierre-Henri Dumont

Indécent !

M. Michel Herbillon

Indigent !


Mme la présidente

La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard

Ce double fiasco diplomatique et migratoire ne vous est sans doute pas directement imputable, néanmoins les conséquences sont là. Je regarde M. le ministre de l’intérieur : à l’heure actuelle, plus aucune OQTF ne peut être satisfaite, notamment avec l’Algérie. Comment répondrez-vous à ce problème majeur pour notre pays ?

M. Patrick Hetzel

Eh oui !