Mme la présidente

La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel

Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il y a quelques mois, madame la ministre, la présidence de l’université Bordeaux Montaigne a interdit de parole Mme Sylviane Agacinski, philosophe, estimant que son intervention créerait un risque de trouble à l’ordre public.

Mme Émilie Bonnivard

Incroyable !

M. Patrick Hetzel

La semaine dernière, la même présidence laissait s’exprimer au sein de l’université M. Jean-Marc Rouillan, condamné pour apologie du terrorisme et pour deux assassinats à caractère terroriste.

M. Olivier Marleix

Quelle honte !

M. Vincent Descoeur

Scandaleux ! Nous sommes sur Mars !

M. Patrick Hetzel

Dans une interview, il avait ainsi déclaré au sujet des frères Kouachi : « J’en ai marre des poncifs antiterroristes […]. Moi je les ai trouvés très courageux […]. » Tout cela est pour le moins choquant : je n’ose imaginer, madame la ministre, que vous combattiez la philosophie et protégiez le terrorisme. Vous assurez la tutelle des universités ; vous avez mission de garantir qu’elles respectent la légalité ;…

M. Maxime Minot

Eh oui !

M. Bruno Bilde

Évidemment !

M. Patrick Hetzel

…mais étrangement, à ce sujet, on ne vous a pas entendue. Ma question sera donc double : pourquoi ce silence assourdissant, et que comptez-vous faire en vue de combattre cette inacceptable inversion des valeurs ?


Mme la présidente

La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Sylvie Retailleau

Comme vous l’avez évoqué, monsieur Hetzel – vous êtes bien placé pour le savoir –, l’autonomie des universités constitue un fait historique,…

M. Vincent Descoeur

Cela n’autorise pas tout ! Il y a aussi la loi !

Mme Sylvie Retailleau

…qui ne leur permet cependant pas tout. Lorsqu’on ne s’exprime pas, on travaille : on œuvre afin de maintenir le calme, d’éviter les blocus, de conserver aux universités leur liberté académique, aux étudiants et aux personnels le droit d’y accéder.

M. Pierre Cordier

Deux poids, deux mesures !

Mme Sylvie Retailleau

Je le répète, c’est un travail que nous accomplissons quotidiennement pour nos étudiants.

M. Fabien Di Filippo

Vous êtes la ministre des repas au Crous !

Mme la présidente

S’il vous plaît, chers collègues !

M. Fabien Di Filippo

Répondez sur le fond, madame la ministre !

Mme Sylvie Retailleau

Puisque ces sujets vous intéressent, voyez ce que nous venons de faire concernant les bourses, les récentes annonces touchant les universités !

M. Pierre Cordier

Quelle médiocrité !

M. Fabien Di Filippo

C’est honteux !

M. Vincent Descoeur

La question ne portait pas sur les menus du Crous. Vous devriez prendre des sanctions, madame la ministre !


Mme la présidente

La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel

Madame la ministre, votre réponse est incroyable. Avez-vous bien conscience que la même université interdit à Mme Agacinski de s’exprimer dans son enceinte…

M. Maxime Minot

Eh oui !

M. Patrick Hetzel

…sans que personne trouve à redire à cette décision inquiétante, et entérine l’apologie du terrorisme, ce qui ne semble pas vous déranger ?

M. Maxime Minot

C’est hallucinant ! Démission !

M. Patrick Hetzel

En tant que ministre de l’enseignement supérieur, il vous revient, encore une fois, de vous assurer que la liberté académique, que nous devons évidemment défendre, ne franchisse pas les bornes de la légalité !

Mme la présidente

Merci, cher collègue.

M. Patrick Hetzel

Vous-même avez pu constater que, trois jours après les faits dont je vous parle, l’université Bordeaux Montaigne était fermée pour plusieurs mois à la suite de dégradations massives. Tout cela est intolérable !

M. Aurélien Pradié

C’est incroyable ! La prochaine fois, madame la ministre, restez dans votre ministère : pas la peine de vous déranger !


 

Mme la présidente

La parole est à Mme Christelle D’Intorni.

Mme Christelle D’Intorni

Ma question s’adresse au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.Le groupe Orpea est dans la tourmente depuis la parution du livre , qui a révélé l’insupportable maltraitance systémique exercée sur nos aînés. Cette entreprise cotée en Bourse, dramatiquement endettée, va restructurer son capital et sa dette. Cette société privée, à capitaux privés, à endettement privé, va pourtant faire appel à de l’argent public pour se refinancer au détriment de ses actionnaires et de ses créanciers. Comment ? En détournant les dispositions de la nouvelle législation en matière de sauvegarde.En amont de la restructuration, Orpea a suscité un déséquilibre entre les créanciers afin de sécuriser uniquement les dettes des banques françaises, ce qui lui a permis de créer une classe de créanciers privilégiés et de s’affranchir définitivement des droits de vote des petits actionnaires et créanciers non sécurisés, qui détiennent pourtant 85 % de son capital.La triste réalité, c’est que la Caisse des dépôts, qui n’est pas actionnaire du groupe, va pouvoir acheter 50,2 % des titres à moins de 3 % du prix du cours et 70 % moins cher que les actionnaires, qui ont pourtant un droit de souscription privilégié, et tout cela sans que se tienne la moindre assemblée générale.Le Gouvernement cautionne-t-il ce montage qui spolie les actionnaires et créanciers d’Orpea de leur patrimoine au profit de la Caisse des dépôts ? Accepte-t-il que cette dernière s’arroge plus de 50 % du capital d’une entreprise cotée en Bourse à Paris, sans avoir à lancer d’offre publique d’achat (OPA) ? A-t-il conscience que ce montage contestable va affecter irrévocablement le marché de la dette française ? Enfin, tolère-t-il qu’aucune assemblée générale ne soit convoquée, alors qu’elle aurait permis aux millions de petits porteurs, qui sont les véritables détenteurs d’Orpea, de s’exprimer ?


Mme la présidente

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées.

Mme Geneviève Darrieussecq

Je ne suis ni ministre de l’économie comme Bruno Le Maire, ni ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées comme Jean-Christophe Combe, qui a lancé la Fabrique du bien vieillir dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR) mais je vais m’efforcer de vous répondre, peut-être pas sur les petits porteurs mais de manière plus générale sur notre approche concernant Orpea.Les révélations autour de ce groupe ont suscité une grande défiance parmi les familles et les personnes âgées hébergées dans les établissements de ce groupe. Il fallait redonner de la confiance, ce qui passait par les transformations actionnariales effectuées sous l’égide de la Caisse des dépôts.

M. Dino Cinieri

Répondez à la question !

Mme Geneviève Darrieussecq

Désormais, l’État a un droit de regard ; qui pourrait nous le reprocher après le scandale qui a créé un tel électrochoc dans notre société ?

Mme Christelle D’Intorni

Et ma question ?

Mme Geneviève Darrieussecq

Je l’ai entendue, madame. Il fallait donc rassurer les Français, rassurer les familles, rassurer les personnes âgées et leur redonner confiance dans les Ehpad. Les restructurations récentes y ont contribué : la Caisse des dépôts, les mutuelles et les assurances pourront désormais être actionnaires du groupe. Je vous rappelle que l’action Orpea avait chuté brutalement, ce qui avait mis en grand danger les personnels travaillant dans ses structures.Nous allons poursuivre dans cette voie et approfondir l’évaluation de tous les Ehpad – travail dont nous aurons les résultats d’ici à 2024. Cela contribuera à redonner confiance aux Français dans le système de prise en charge des personnes dépendantes.


Mme la présidente

La parole est à Mme Christelle D’Intorni.

Mme Christelle D’Intorni

Je suis désolée, madame la ministre déléguée, mais vous n’avez rassuré personne, puisque vous n’avez absolument pas répondu à ma question !

Mme Isabelle Périgault

Eh oui !


 

Mme la présidente

La parole est à M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti

Madame la Première ministre, depuis plusieurs semaines, des millions de Français manifestent dans le calme, encadrés de façon responsable par les organisations syndicales. Malheureusement, dans ces cortèges se sont glissés des militants d’extrême gauche dont le seul objectif est de piller, de brûler, de « tuer du flic ». Nos policiers et nos gendarmes se trouvent en première ligne.Plus de 500 d’entre eux ont été blessés lors de la manifestation de jeudi dernier ou samedi, à Sainte-Soline. À ces 500 policiers et gendarmes qui garantissent l’ordre républicain, nous devons témoigner notre reconnaissance et rendre un hommage républicain, pour leur dire que, sans eux, la République ne tiendrait pas. Les policiers constateront, mais sans surprise, que, sur les bancs de l’extrême gauche, cet hommage n’est pas accepté et que vous refusez de vous y associer, comme Mme Panot qui, ce matin, indiquait de façon scandaleuse qu’un manifestant était mort, instrumentalisant ce conflit social pour servir ses visées extrémistes.Alors oui, je le dis, nous demandons dans ce contexte, des mesures fortes. Le ministre de l’intérieur vient d’en parler, mais cela ne suffit pas. Les mots ne suffisent plus, il faut des actes, des actes concrets.

M. Sébastien Chenu

Il fallait voter la motion de censure !

M. Éric Ciotti

Ces individus, ces milices d’extrême gauche sont connus, il faut aujourd’hui les éradiquer. Il faut changer de cadre. Je veux également dénoncer avec force les propos honteux de M. Mélenchon, appelant à faire soigner les policiers, sans doute en les envoyant en camps de rééducation, comme il en existe dans les pays dictatoriaux, dont il vénère le modèle. Madame la Première ministre, monsieur le ministre, envisagez-vous des poursuites…


Mme la présidente

La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

M. Gérald Darmanin

Merci, monsieur Ciotti pour les mots que vous avez eus à l’égard des policiers et des gendarmes ; je veux aussi penser aux sapeurs-pompiers qui ont été pris à partie ce matin encore dans l’ouest de la France. Je tiens à souligner que les préfets de la République, les policiers et gendarmes et les organisations syndicales ont su organiser huit grandes journées de manifestation contre la réforme des retraites, sans aucun incident majeur dans notre pays, malgré des millions de personnes dans les rues.

Mme Marine Le Pen

Des millions ? Quel aveu !

M. Gérald Darmanin

Des millions cumulés, ne vous inquiétez pas. Mais, depuis que, le 16 mars dernier, l’extrême gauche et l’ultragauche se sont mêlées aux manifestations sauvages non déclarées, s’attaquant aux carrés syndicaux, aux policiers, aux gendarmes, à des préfectures, des commissariats, des hôpitaux, des tribunaux, des permanences politiques de parlementaires,…

Mme Isabelle Périgault

Eh oui !

M. Gérald Darmanin

…menaçant les élus de la République, le chaos tend à s’installer, et je regrette comme vous, monsieur Ciotti, qu’il n’y ait pas d’unanimité dans la classe politique pour dénoncer ces groupes factieux qui veulent mettre à bas la République. Car ce n’est pas la réforme des retraites que veut attaquer l’ultragauche mais la République ; elle ne veut pas attaquer le Gouvernement mais les policiers J’ai proposé la dissolution de huit groupuscules d’extrême gauche, validée par le Conseil d’État. Nous continuerons grâce aux services de renseignement et, j’espère, avec le soutien unanime de la représentation nationale.


 

Mme la présidente

La parole est à M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix

Depuis sa réélection, le Président de la République semble avoir découvert le beau mot de souveraineté. En parler c’est bien, la pratiquer, c’est mieux. Deux événements m’amènent à vous interroger sur votre détermination.Premièrement, une entreprise américaine projette le rachat de l’entreprise Segault, fabricant de robinetterie de haute performance qui équipe nos sous-marins nucléaires lanceurs d’engin.

M. Pierre Henriet

Actuellement, la maison mère de Segault est la canadienne Velan !

M. Olivier Marleix

Si un tel passage sous pavillon américain avait lieu, la vente à l’exportation de sous-marins français – dont on sait qu’elle n’est pas toujours brillante – serait soumise à l’autorisation du gouvernement des États-Unis, au titre de la réglementation Itar – sur le trafic d’armes au niveau international. Pouvez-vous annoncer très clairement que vous vous opposez à ce projet et ferez valoir votre veto ? Après que vous avez vendu Alstom, Alcatel-Lucent et Technip, vous comprendrez que nous nourrissions des doutes.Second élément important : au cours du Conseil européen du 23 mars dernier, la présidente de la Commission européenne a présenté le projet d’industrie à zéro émission nette – . En l’état, ce projet est inacceptable pour la France puisqu’il exclut la plupart des investissements dans la filière nucléaire, pour des raisons purement idéologiques, absolument pas rationnelles.

M. Patrick Hetzel

Très juste !

M. Sébastien Jumel

C’est vrai !

M. Olivier Marleix

Je vous le demande solennellement : jusqu’à quel point le Gouvernement est-il déterminé à se battre pour obtenir l’inscription de l’ensemble des investissements dans le nucléaire dans ce projet de règlement ?


Mme la présidente

La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne

Monsieur Marleix, nous pouvons nous accorder sur une chose :…

M. Julien Odoul

Sur plein de choses !

M. Sébastien Jumel

Sur presque tout !

Mme Élisabeth Borne

…la nécessité de réindustrialiser notre pays. Le retour de l’industrie est à la fois un enjeu de souveraineté, d’emploi, de création de richesses et d’équilibre du développement de notre territoire.

M. Pierre Cordier

Cela fait six ans que nous le répétons !

Mme Élisabeth Borne

Depuis six ans, les résultats sont là.

Mme Anne-Laure Blin

Mais bien sûr !

M. Laurent Jacobelli

Il est bon de rire, parfois !

Mme Élisabeth Borne

Nous avons inversé la tendance à la désindustrialisation, longue de plusieurs décennies. La France a retrouvé son attractivité en devenant la première destination des investissements directs étrangers en Europe. Entre 2017 et 2022, près de 60 000 emplois ont été créés dans l’industrie.

Mme Annie Genevard

La question portait sur la souveraineté !

M. Marc Le Fur

Répondez à la question précise !

Mme Élisabeth Borne

Ce retour de l’industrie en France a été permis par les réformes et l’investissement engagés depuis 2017. Je pense aux réformes du marché du travail, à la baisse de 10 milliards d’euros des impôts de production au cours du précédent quinquennat et à la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ainsi qu’au soutien du Gouvernement aux entreprises à travers les plans France relance puis France 2030.

M. Thibault Bazin

Répondez aux questions qu’on vous pose !

Mme Élisabeth Borne

Grâce à France relance, au 15 mars, plus de 12 milliards d’euros ont déjà été investis ; 2 800 projets sont soutenus.

M. Fabien Di Filippo

Répondez à la question, au lieu de lire votre fiche !

Mme Élisabeth Borne

Ces investissements permettent la création d’emplois, de chaînes de production, le développement des compétences et de l’attractivité dans tous les territoires.

M. Pierre Cordier

Répondez à la question !

M. Maxime Minot

Elle n’était pas difficile à comprendre, pourtant !

Mme Élisabeth Borne

Vous m’interrogez sur le cas de l’entreprise Segault. Ce projet de rachat n’en est qu’à ses débuts. Je vous confirme que nous serons très vigilants et qu’en tout état de cause cette opération sera soumise au contrôle des investissements étrangers en France.

M. Jean-Jacques Gaultier

Nous voici rassurés…

Mme Élisabeth Borne

Quant à la proposition de la Commission européenne que vous mentionnez, dans le cadre des négociations au sein du Conseil européen, nous sommes déterminés, avec les dix autres États membres que nous avons réunis dans l’alliance du nucléaire, à convaincre que le nucléaire est une filière stratégique pour atteindre la neutralité carbone.Comme l’a dit le Président de la République, la réindustrialisation est au cœur des chantiers à venir, au cœur des consultations que j’engage pour bâtir un programme du Gouvernement et un agenda législatif avec tous ceux qui veulent trouver des solutions pour le pays.

Mme Anne-Laure Blin

Il était temps !

Mme Élisabeth Borne

Sur la question de la réindustrialisation, entre autres sujets, je vous propose de travailler ensemble,…

M. Laurent Jacobelli

Ah ! Voilà !

Mme Élisabeth Borne

…d’échanger nos points de vue, de construire dans les prochaines semaines. Nous le ferons avec les forces politiques, les parlementaires, les élus locaux et, je l’espère, avec les partenaires sociaux, à qui nous tendons la main.

Mme Anne-Laure Blin

Que d’éléments de langage !

M. Jean-François Coulomme

On n’y croit pas !

Mme Élisabeth Borne

C’est de cette manière, par le dialogue avec toutes les bonnes volontés, que nous apaiserons la société et que nous pourrons répondre plus rapidement aux préoccupations des Français.


Mme la présidente

La parole est à M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix

Je regrette de ne pas avoir entendu le mot souveraineté dans votre réponse,…

Mme Élisabeth Borne

Je l’ai pourtant prononcé !

M. Olivier Marleix

…alors qu’il était essentiel dans ma question.

M. Jean-François Coulomme

Vous lui donnez un dix-huit sur vingt malgré tout, n’est-ce pas ?

M. Olivier Marleix

Je rappelle que la semaine dernière, l’Assemblée, à une très large majorité allant des communistes aux gaullistes, du groupe Rassemblement national au groupe Renaissance et représentant près de 70 % des votants, a voté en faveur d’un texte de relance du nucléaire.

Mme la présidente

Merci, cher collègue.

M. Olivier Marleix

L’Assemblée nationale vous a ainsi donné un mandat clair, massif, pour défendre cette filière.


 

Mme la présidente

La parole est à M. Jean-Pierre Taite.

M. Jean-Pierre Taite

Monsieur le ministre de la santé et de la prévention, je vous parle au nom des Français qui veulent être soignés près de chez eux. La loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist, entre en application le 3 avril prochain, avec des conséquences catastrophiques pour nos hôpitaux publics.

M. Maxime Minot

C’est vrai !

M. Jean-Pierre Taite

Au centre hospitalier du Forez, situé à Feurs et Montbrison dans le département de la Loire, les urgences fonctionnent avec des médecins intérimaires, qui travaillent aux côtés des titulaires. Avec cette loi, les premiers désertent et les urgences sont menacées de fermeture.

M. Maxime Minot

Comme à Clermont, dans l’Oise !

M. Jean-Pierre Taite

La revalorisation de 20 % que votre ministère annonce aujourd’hui arrive alors que les services sont au bord du gouffre. Déjà, soixante-dix hôpitaux, partout en France, sont menacés de fermeture. Au nom d’une logique comptable, vous épuisez les personnels que nous avons tous applaudis pendant le covid. Les services ferment et les patients vont être renvoyés dans des hôpitaux surchargés qui deviennent des usines à soigner.Monsieur le ministre, si vous ne suspendez pas immédiatement l’application de cette loi, vous serez le fossoyeur de l’hôpital public et nos concitoyens seront en situation de non-assistance à personnes en danger. Lundi 3 avril, en sous-préfecture de Montbrison, se déroulera un conseil de surveillance exceptionnel. Ma question est simple et sans détour : quel message puis-je porter de votre part ?En outre, au nom des élus du territoire, des personnels et de nos concitoyens, je vous invite à visiter notre hôpital. Vous constaterez que, sur le terrain, les difficultés sont réelles et que nos personnels sont en souffrance.


Mme la présidente

La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. François Braun

Vous avez raison, si nous n’agissons pas, l’hôpital public est menacé. Nous ne visons pas les intérimaires qui font leur travail normalement, comme c’est probablement le cas dans votre secteur, mais ces intérimaires mercenaires qui, jusqu’à la veille au soir, annoncent qu’ils ne viendront pas si l’on n’augmente pas leur rémunération de 500 ou 1 000 euros pour la nuit. Ce sont eux qui détruisent notre hôpital public, n’en doutons pas.Et ils s’attaquent de préférence aux petits hôpitaux, les plus fragiles, les plus éloignés des grandes villes, ceux qui ont du mal à maintenir leur ligne de garde. L’objectif est clair : envoyer un signal fort aux intérimaires mercenaires, tout en améliorant les conditions d’exercice des médecins qui tiennent la ligne dans nos hôpitaux, prendre en considération la pénibilité de leur tâche, cela dans la continuité des mesures prises l’été dernier pour assurer la permanence des soins.La proximité des soins, vous avez également raison, est un de nos objectifs majeurs, et je lutte contre l’inégalité territoriale d’accès aux soins grâce à plusieurs mesures. Mais il ne faut pas non plus oublier la qualité, qui doit également être garantie. Nous devons nous retrouver tous ensemble autour de la table afin de définir des solutions, en gardant en tête ce binôme : qualité et sécurité.Il faut que l’intérim qui s’exerce dans des conditions inacceptables cesse, tout en perdurant quand il est réalisé dans des conditions normales. Et je pense que nous serons tous d’accord pour considérer que 1 390 euros bruts, sans compter les frais de déplacement, de logement ou de nourriture, c’est une somme tout à fait acceptable pour un médecin intérimaire. Je ne doute pas que la grande majorité de ces médecins, qui travaillent dans de bonnes conditions, en respectant ce règlement et ce plafond, continueront à venir dans nos hôpitaux. Pour les autres, nous analysons précisément la situation tous les jours – je l’ai encore fait cette semaine – afin de proposer des solutions alternatives – éventuellement dans le cadre d’entraides territoriales.

M. Thierry Benoit

Excellent !


Mme la présidente

La parole est à M. Jean-Pierre Taite.

M. Jean-Pierre Taite

J’ai écouté avec respect votre réponse…

M. Sylvain Maillard

Très bien !

M. Jean-Pierre Taite

… mais je vais réitérer mon invitation : votre venue serait également faire montre de reconnaissance pour les personnels, les populations et les élus locaux. Je vais contacter votre cabinet. Sur tous ces bancs, nous avons le même objectif : défendre l’hôpital public.


 

Mme la présidente

La parole est à M. Yannick Neuder.

M. Yannick Neuder

Ma question s’adresse à M. le ministre de la santé et de la prévention.Je voudrais évoquer deux sujets importants pour la santé de nos concitoyens.Le premier concerne la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux dont sont victimes 150 000 patients par an. Un Français sur cinq en fera un durant sa vie : sur les 577 députés que nous sommes, cela fait 115. Le 24 février, par arrêté, vous avez déremboursé la sonde qui permet d’extraire le caillot et, par là même, déremboursé une prise en charge rapide permettant d’éviter les séquelles et le handicap.Le deuxième sujet concerne la prise en charge des chimiothérapies. Là encore, vous avez décidé de dérembourser les molécules de chimiothérapie employées en hôpital de jour sous réserve qu’elles représentent 30 % du forfait. Cette mesure affectera 450 000 patients par an, sur les 4 millions de nos concitoyens malheureusement atteints d’un cancer. Je veux mettre fin à cette insincérité et à cette hypocrisie : je suis fier de porter aujourd’hui la jonquille, emblème de la recherche pour le cancer, et je trouve scandaleux que l’on oblige les centres de cancérologie à choisir entre les chimiothérapies et la note de chauffage. –


Mme la présidente

La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. François Braun

Je vous rassure, il n’y a ni hypocrisie, ni insincérité. Vous parlez de ce que l’on appelle la liste en sus, qui permet de financer des médicaments et dispositifs médicaux innovants et onéreux de façon dérogatoire, en plus du financement du séjour hospitalier, puisque leur coût ne permet pas d’être intégrés dans celui-ci. Cette liste est dynamique ; les médicaments et les dispositifs y entrent et en sortent. Lorsqu’ils en sortent, cela ne veut pas dire qu’ils ne sont pas remboursés, mais simplement qu’ils sont pris en charge dans le coût du séjour hospitalier.Le 1 mars, après deux ans de discussions avec les industriels concernés, les produits dont vous parlez – des anticancéreux et des antifongiques – ont été supprimés de cette liste car ils étaient suffisamment anciens pour réintégrer le mode de financement habituel. De même, le cathéter de thrombo-aspiration que vous avez mentionné, qui permet, en montant par voie artérielle, soit de réaliser une artériographie cérébrale, soit d’aspirer le caillot responsable, est toujours disponible dans les établissements de santé, la différence étant qu’il est désormais intégré dans le financement global du séjour hospitalier. Cela est habituel et récurrent. Il existe une « cagnotte financière » destinée à aider les établissements qui, dans la période de transition, n’arriveraient pas à faire face à cette dépense. En aucun cas cela ne signifie que ces produits ne sont plus utilisés, ne sont plus remboursés ou sont inefficaces. Ils sont toujours pris en charge dans le cadre du forfait hospitalier.


Mme la présidente

La parole est à M. Yannick Neuder.

M. Yannick Neuder

Monsieur le ministre, vos explications ne sont malheureusement pas de nature à rassurer les patients ni, surtout, les médecins et les sociétés savantes. Les préconisations que vous faites vont à l’encontre des recommandations de la Haute Autorité de santé. Ce n’est pas le moment de supprimer le remboursement des chimiothérapies et des guides d’aspiration pour limiter l’impact des accidents vasculaires cérébraux ! Vous ne pourrez pas vous en tirer par une pirouette. –