Mme la présidente

La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur

Madame la Première ministre, une très grave crise de la construction de logement est devant nous.

M. Patrick Hetzel

Il a raison !

M. Marc Le Fur

Vous étiez hier devant les professionnels de l’immobilier et de la construction. Je ne vous apprends rien : vos propos ont suscité une forte déception.

M. Inaki Echaniz et M. Patrick Hetzel

Eh oui !

M. Marc Le Fur

Et cette déception est partagée par tous, de la Fondation Abbé Pierre aux artisans de la Fédération française du bâtiment, en passant par le monde HLM. Vos propositions ne sont pas du tout à la hauteur de la crise violente qui touche ce secteur. En supprimant le dispositif Pinel, vous tuez l’investissement locatif privé ; en supprimant le prêt à taux zéro sur la construction neuve sur 90 % de notre territoire, vous portez préjudice au monde rural, aux petites villes, aux villes moyennes et vous accentuez la fracture de notre pays. En multipliant les normes et en réduisant les aides, vous interdisez l’accès à la propriété aux classes moyennes. Ce faisant, vous organisez leur déclassement, la propriété de leur résidence étant bien souvent une sécurité pour leurs vieux jours. Je vous rappelle que 90 % des Français aspirent à vivre dans une maison individuelle.Écoutez-nous, madame la Première ministre.

M. Laurent Jacobelli

Ils en sont incapables !

M. Marc Le Fur

Le président de notre groupe, Olivier Marleix, vous l’a déjà demandé mardi dernier : adoptez un moratoire sur l’objectif zéro artificialisation nette, le fameux ZAN. Les Français ne connaissent pas encore ce sigle mais nos maires savent déjà qu’il est en train de figer complètement le développement de leurs communes. Madame la Première ministre, sortez de cette culture de gauche qui rejette l’accession à la propriété et qui refuse la maison individuelle et prenez des mesures d’urgence !


Mme la présidente

La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.

M. Laurent Jacobelli

Il faudrait lui redire qu’il est ministre du logement car il ne semble pas être au courant !

M. Olivier Klein

Oui, il y a une crise du logement, nous le savons et nous travaillons à la réduire. Cette crise est multifactorielle et la solution ne saurait se limiter au recours à l’argent public – je vous pensais moins dépensiers et plus attentifs aux deniers publics.

M. Marc Le Fur

Le moratoire sur le ZAN ne coûte rien !

M. Olivier Klein

C’est tous ensemble qu’il faut la résoudre : c’est le sens du Conseil national de la refondation que nous avons lancé.Nous avons fait en sorte que la Caisse des dépôts Habitat achète 17 000 logements et, dans le cadre de la convention quinquennale qui sera signée dans quelques jours avec Action logement, 30 000 logements seront acquis, …

M. Patrick Hetzel

C’est insuffisant !

M. Olivier Klein

…actions qui contribueront toutes deux à la relance de la promotion immobilière, laquelle produit de l’habitat privé et de l’habitat social.Nous faisons un pari, celui du logement intermédiaire, lien entre l’emploi et le logement – et je pense que vous devriez être à nos côtés pour le promouvoir. Nous faisons un pari, celui du bail réel solidaire (BRS) destiné à favoriser l’accession à la propriété des classes moyennes et des classes intermédiaires, pari que nous savons déjà gagnant.Il ne faut pas renvoyer les Français au surendettement qui représente un risque. Je suis bien placé pour savoir quel drame constituent les copropriétés dégradées. La copropriété est une bonne solution, seulement si les propriétaires ont les moyens de rembourser leurs prêts bancaires et d’acquitter leurs charges. Pour diminuer le poids de celles-ci, nous faisons un autre pari, celui de la rénovation. Il se trouve que 80 % des logements dans lesquels nous vivrons existent déjà et nous savons que c’est grâce à la rénovation massive, notamment des copropriétés, que nous réussirons.


Mme la présidente

La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur

Monsieur le ministre, selon un sondage Ifop, 80 % des Français aspirent à vivre dans une maison individuelle.

Mme Marie-Christine Dalloz

Eh oui !

M. Marc Le Fur

Ne niez pas cette aspiration de nos compatriotes ! Sortez de votre bulle !


Mme la présidente

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Klein

Personne ne nie la qualité résidentielle des zones pavillonnaires. Il faut les respecter, bien évidemment, et continuer à les accompagner. C’est ce que nous faisons avec MaPrimeRénov’.

M. Jérôme Nury

Tu parles !


 

Mme la présidente

La parole est à Mme Alexandra Martin.

Mme Alexandra Martin

Monsieur le ministre de l’éducation nationale, le suicide de Lindsay a ému la France entière. Il a démontré, une fois de plus, l’échec de votre politique de prévention contre le harcèlement scolaire et votre manque de considération. Nous pensons à cet instant à Lindsay et aux trois autres victimes de harcèlement scolaire depuis 2021, Dinah, Ambre et Lucas, ainsi qu’à leurs familles.Le harcèlement scolaire est l’un des nombreux symptômes d’une violence sociale grandissante, notamment chez les plus jeunes. Partout, elle doit être combattue avec force. En dépit de l’adoption de la loi visant à combattre le harcèlement scolaire, la tendance ne faiblit pas : trois élèves par classe y sont confrontés. Les répercussions sont colossales : échec scolaire, désocialisation et, pour 61 % d’entre eux, pensées suicidaires.Les harcèlements des quatre jeunes victimes étaient pourtant connus. Les familles se sentent désespérément seules aujourd’hui encore, comme depuis le début de leurs alertes. Le programme de prévention Phare – programme de lutte contre le harcèlement scolaire – se révèle impuissant ; pire, il est absent dans de nombreux établissements. Vous ne reconnaissez donc pas à l’ensemble des élèves de la République le droit d’étudier dans un environnement protégé et de vivre en sécurité.Qui aurait dû les protéger, madame Bergé ? La puissance publique avant tout.Quand responsabiliserez-vous enfin les auteurs de harcèlement et leurs parents, comme je l’appelle de mes vœux en matière de délinquance des mineurs ? Vous avez annoncé que la mesure d’éloignement du harceleur était une solution de dernier recours : la victime subit donc une double peine ! Responsabiliser, c’est faire prendre conscience au harceleur de son délit. C’est à lui qu’il revient de quitter l’établissement, pas à la victime.

M. Patrick Hetzel

Très bien !

Mme Alexandra Martin

Quand la communauté éducative sera-t-elle formée, pour ne plus considérer le harcèlement scolaire comme une affaire d’enfants ? Quand sommerez-vous les réseaux sociaux d’agir ? Quand prendrez-vous les mesures nécessaires pour garantir le droit inaliénable d’étudier en sécurité ?


Mme la présidente

La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Pap Ndiaye

Le harcèlement est un drame – vous avez raison de le souligner, madame la députée –, c’est un drame pour notre école et un drame pour notre pays. Nous devons nous mobiliser pour le combattre. Le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse s’y emploie depuis 2019. Au-delà de l’expérimentation que nous menons dans six académies, le programme Phare – auquel vous avez fait allusion – a été étendu aux écoles et aux collèges de l’ensemble des académies à la rentrée 2022 ; il touchera les lycées à la rentrée 2023. La situation est-elle pour autant satisfaisante, et le programme est-il déployé partout de manière homogène ? La réponse est non. Nous avons encore du chemin à parcourir. Je l’ai dit et je le répète : c’est un travail patient, qui demande de la mobilisation et des moyens.

Mme Émilie Bonnivard

Nous n’avons pas le temps !

M. Pap Ndiaye

Nous faisons de la lutte contre le harcèlement une priorité. Des enquêtes administratives sont en cours, diligentées par l’Inspection générale de l’éducation nationale, du sport et de la recherche ; le cas échéant, elles pourront donner lieu à des sanctions. Des programmes de prévention, de détection et de prise en charge des situations de harcèlement sont par ailleurs déployés, et les personnels y sont formés. Des moyens supplémentaires ont en outre été alloués aux numéros 3018 et 3020, qui recueillent une grande audience. À partir de la rentrée 2023, chaque collège comptera un référent – rémunéré – chargé exclusivement des questions de harcèlement. Notez aussi qu’en application de la loi de 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire, dite loi Balanant, les dépôts de plainte seront systématisés dès que nous aurons connaissance d’un harcèlement avéré ou suspect. J’ai par ailleurs signé le décret qui permettra de déplacer un élève harceleur dans le premier degré, ce qui n’était pas possible jusqu’à présent ; le texte est en cours d’examen par le Conseil d’État. Enfin, les personnels continueront d’être formés, et nous lancerons une mobilisation générale contre le cyberharcèlement.


 

Mme la présidente

La parole est à M. Vincent Descoeur.

M. Vincent Descoeur

Ma question s’adresse au ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées. Depuis plusieurs mois, les Ehpad, établissements d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes, sont confrontés à des difficultés de fonctionnement qui les fragilisent et qui menacent leur avenir. Leurs difficultés sont avant tout budgétaires : l’inflation entraîne une hausse de leurs charges fixes – notamment du coût des denrées alimentaires et de l’énergie –, tandis que les dépenses d’hébergement ont progressé bien plus vite que les tarifs d’hébergement et de dépendance. De fait, la situation des maisons de retraite est d’une gravité sans précédent.Au début de l’année, la Fédération hospitalière de France (FHF) a révélé que 39 % des Ehpad publics rencontraient des difficultés de trésorerie, et que 85 % d’entre eux anticipaient un résultat fortement déficitaire à la fin de l’exercice 2022. Fragilisés par la crise sanitaire, qui a mis leur personnel à rude épreuve, ils sont confrontés à des difficultés de recrutement qui les contraignent à recourir à l’intérim, dont le coût excessif grève encore leur budget.Il est urgent d’agir si nous voulons éviter la multiplication des fermetures de lits, ou pire, la fermeture d’établissements qui risquent d’être prochainement en cessation de paiement. Les Ehpad ne peuvent pas attendre encore plusieurs mois la fameuse réforme du grand âge régulièrement annoncée, mais sans cesse reportée.

Mme Christine Pires Beaune

C’est le cas depuis Nicolas Sarkozy !

M. Vincent Descoeur

Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour aider les Ehpad à surmonter cette crise sans précédent, je le répète, et, ce faisant, pour rassurer leurs gestionnaires, leur personnel, les aînés et leurs familles ?

M. Patrick Hetzel

Très bien !


Mme la présidente

La parole est à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.

M. Jean-Christophe Combe

Vous m’alertez sur la situation dégradée que traversent les établissements d’hébergement de personnes âgées dépendantes depuis quelques mois : sachez que l’État les soutient massivement depuis plusieurs années. Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des crédits qui leur ont été accordés pendant la crise sanitaire, auxquels s’ajoutent la compensation des augmentations liées au Ségur de la santé, ou encore l’augmentation des effectifs d’infirmières de nuit et du temps de présence des médecins coordonnateurs – autant de mesures nécessaires. Dans la période d’inflation actuelle, la situation des Ehpad reste difficile : les difficultés de recrutement les obligent à recourir à l’intérim – vous l’avez souligné –, et le taux d’occupation des établissements est très bas.Nous avons pris des mesures ciblées pour y répondre. Fin 2022, nous avons ainsi accordé 440 millions d’euros de crédits supplémentaires au financement des Ehpad, dont 100 millions sont destinés à couvrir l’inflation. Nous avons par ailleurs étendu le bouclier tarifaire pour le gaz et l’électricité à l’ensemble de ces établissements. Enfin, le financement des Ehpad a crû de 5,1 % dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.J’ai demandé aux directeurs des agences régionales de santé (ARS) de suivre la situation des Ehpad en difficulté. Je m’y suis déjà engagé devant votre assemblée : nous ne laisserons aucun Ehpad fermer. Nous avons doublé – voire triplé, dans certains territoires – les crédits reconductibles. Pourtant, force est de reconnaître que les difficultés subsistent, notamment celles qui concernent la section hébergement, dont le financement relève des départements. Je suis en lien constant avec ces derniers pour trouver des solutions qui permettront d’améliorer le financement des Ehpad. J’ai saisi mes différentes administrations pour former un groupe de travail sur l’évolution du modèle économique de ces établissements, auquel les départements prendront part. En effet, je suis convaincu que seule une réforme structurelle permettra de leur apporter les fonds nécessaires et de maintenir l’accessibilité de l’offre – ce dernier point est important, car l’aide sociale à l’hébergement est sous-financée.


Mme la présidente

La parole est à M. Vincent Descoeur.

M. Vincent Descoeur

Je suis au regret de vous dire que votre réponse n’est pas à la hauteur des enjeux.

M. Pierre Cordier

Exactement !

M. Vincent Descoeur

Nous devons de l’attention à nos aînés et de la reconnaissance aux personnels qui les entourent. La solidarité entre les générations n’est pas une option mais un devoir.

M. Pierre Cordier

Bravo !


 

Mme la présidente

La parole est à M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix

Le logement est en crise. Tous les indicateurs le montrent : on construit aujourd’hui 100 000 logements de moins qu’il y a quinze ans, les ventes de maisons individuelles ont chuté de 30 % en un an et les faillites de promoteurs, de constructeurs individuels et d’agences immobilières ont explosé avec une augmentation de 83 %. Aujourd’hui, 150 000 emplois sont menacés dans cette filière.Les causes de cette crise sont parfaitement identifiées : hausse des prix de la construction, causée par la guerre en Ukraine ; renchérissement des projets, causé par les normes ; insuffisance de la disponibilité du foncier, causée par la politique du zéro artificialisation nette ; hausse des taux d’intérêt se traduisant par une situation dans laquelle de plus en plus de nos compatriotes, ne trouvant à emprunter qu’à un taux moyen de 4,5 % sur vingt ans, se voient opposer des refus de prêt par les banques et se trouvent donc exclus de l’achat immobilier.Depuis 2017, on constate que le logement n’intéresse pas beaucoup le Président de la République.

M. Maxime Minot

Il n’y a pas que cela qui ne l’intéresse pas !

M. Jean-Philippe Tanguy

Il ne fallait pas voter pour lui !

M. Olivier Marleix

Il a fait sienne l’idéologie qui veut que l’on construit trop en France et qui demande aux Français de renoncer à leur rêve de la maison individuelle, mais la crise est là : pénurie de logements, destruction d’emplois et baisse du pouvoir d’achat. Allez-vous répondre au cri d’alarme que vous ont adressé les professionnels de la filière ?


Mme la présidente

La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne

Nous partageons le constat de l’insuffisance ou de l’inadaptation dans certains territoires de l’offre de logements. Cela peut bloquer nos compatriotes dans leurs projets de mobilité et agir comme frein à l’emploi, particulièrement dans les zones en forte tension comme les métropoles.

M. Pierre Cordier

Cela fait six ans que vous le dites !

Mme Élisabeth Borne

Cette situation est liée à des enjeux structurels, dont les causes sont multiples – je pense notamment à la baisse du nombre de permis de construire délivrés ou à la hausse des prix du foncier. S’y ajoutent des causes conjoncturelles, telle que la hausse rapide des taux d’intérêt, qui freine la demande de logements ainsi que les transactions immobilières dans l’ancien, et grippe l’accès au marché locatif.

M. Éric Ciotti

Certes, mais que faites-vous ?

Mme Élisabeth Borne

Nous sommes bien conscients des difficultés actuelles et le Gouvernement est pleinement mobilisé pour agir avec tous les acteurs concernés.

M. Philippe Gosselin

Comment ?

Mme Élisabeth Borne

Nous avons déjà annoncé les premières mesures prises pour répondre à ces difficultés : assouplissement de certaines règles d’accès au crédit immobilier ou encore rachat de 17 000 logements par la Caisse des dépôts.Nous devons également agir pour relever le défi de la transition écologique, notamment par une politique ambitieuse de rénovation énergétique lancée lors du précédent quinquennat.Avec tous les acteurs et avec les élus locaux, nous voulons aller bien plus loin. Des mesures complémentaires seront présentées la semaine prochaine, lors de la restitution des travaux du Conseil national de la refondation consacré au logement, qui ont mobilisé tous les acteurs impliqués. Je participerai personnellement à cette réunion, qui sera l’occasion d’apporter des réponses. Nous sommes à l’écoute de toutes les bonnes propositions.


Mme la présidente

La parole est à M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix

Je ne suis pas sûr, à l’écoute de votre réponse, que vous soyez totalement consciente de l’urgence.

M. Maxime Minot

Elle est hors sol !

M. Olivier Marleix

Si vous n’avez pas de solution, permettez que les députés du groupe Les Républicains, une fois de plus, vous en proposent : libérer du foncier – il faut assouplir les règles, c’est l’urgence – et faciliter le recours à l’emprunt pour les Français, en élargissant le prêt à taux zéro ou en rétablissant la déduction des intérêts d’emprunt, ainsi que l’avait décidé la droite lorsqu’elle était au pouvoir.


 

Mme la présidente

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz

Jeudi dernier, dans la circonscription du président Marleix, les corps d’une femme et de ses deux enfants ont été retrouvés sans vie à leur domicile, tués de multiples coups de couteau. Pourtant, cette femme s’était présentée la veille au commissariat de police. Dans la matinée de lundi, le procureur de la République de Chartres a annoncé la mise en détention provisoire de l’ex-conjoint de la victime, à cette heure présumé coupable de ce triple homicide.

M. Sylvain Maillard

Présumé innocent…

Mme Marie-Christine Dalloz

Cet homme avait déjà été condamné à un an d’emprisonnement en septembre 2021, pour des faits de violence envers sa femme et sa fille, et il était en période de probation. Comment la plainte de son épouse n’a-t-elle pas donné l’alerte ? Les hommages se sont multipliés tout le week-end, mais les mots ne suffisent plus : 36 féminicides par conjoints ou ex-conjoints sont dénombrés depuis le début de l’année en France, contre 24 à la même époque l’an passé. Les chiffres augmentent sans que nous ne soyons capables d’inverser la tendance, alors que le Président Macron avait fait en 2017 de la lutte contre les violences faites aux femmes une grande cause du précédent quinquennat.Ce drame sordide a décimé une famille et pose la question récurrente de la protection des femmes victimes de violences, et de l’efficacité des politiques publiques. En janvier dernier, le dernier rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes soulignait l’insuffisance de l’action des pouvoirs publics. Monsieur le ministre, l’histoire se répète dramatiquement. Les effets d’annonce ne suffisent plus : écoutez ces femmes et mettez, enfin, en place un arsenal juridique capable de leur offrir la protection que notre République leur doit. Combien de victimes devrons-nous encore déplorer pour que votre action soit enfin efficace ?


Mme la présidente

La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti

De ce que je sais, la plainte déposée la veille concernait un cambriolage. Évitons les amalgames car, entre un cambriolage dénoncé et des violences avérées, la nuance n’aura échappé à personne.

Un député

Elle est allée deux fois au commissariat de police !

M. Éric Dupond-Moretti

Nous avons considérablement progressé dans les mesures de protection.Je vous livre quelques chiffres même si, évidemment, ils sont aussi dérisoires que les mots face à de tels drames. Mais, en 2019, 300 téléphones grave danger étaient déployés ; nous en sommes désormais à 3 500. Grâce aux 2 455 interventions des forces de sécurité intérieure…

M. Pierre Cordier

Vous avez beau les énumérer, ces mesures ne sont pas efficaces…

M. Éric Dupond-Moretti

…ce sont 2 455 drames qui ont été évités.Les 1 020 bracelets anti-rapprochement actifs ont entraîné 3 634 interventions des services de police et de gendarmerie. Là encore, ce sont autant de drames évités. Sur ces bracelets, nous sommes allés plus vite que nos amis espagnols.

Mme Caroline Colombier

On s’en fout !

M. Éric Dupond-Moretti

Nous allons lancer dans les prochains jours un bracelet anti-rapprochement nouvelle génération, doté d’une meilleure couverture réseau et d’une autonomie supérieure. Les ordonnances de protection ont augmenté de 157 % depuis 2016, avec 4 000 ordonnances délivrées par an dans un délai passé de quarante-sept à six jours. Nous travaillons pour obtenir une ordonnance de protection sous vingt-quatre heures. Les condamnations ont augmenté de plus de 100 % depuis 2017 – de 22 000 à 44 000.

M. Emeric Salmon

Il faut que les peines soient exécutées.

M. Éric Dupond-Moretti

Je tiens à souligner l’excellent travail réalisé par Mmes Chandler, députée, et Vérien, sénatrice. Nous allons en tirer des conséquences dans les jours, les semaines et les mois à venir.


Mme la présidente

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz

La victime s’était rendue deux fois au commissariat depuis début mai. Je pense surtout à la peur quotidienne, et terrible, de ces femmes.

M. Éric Dupond-Moretti

Nous aussi…

Mme Marie-Christine Dalloz

Monsieur le garde des sceaux, il faudrait vraiment faire encore plus.


 

Mme la présidente

La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel

Monsieur le ministre chargé des comptes publics, la Cour des comptes estime le montant de la fraude sociale entre 6 milliards et 8 milliards d’euros par an et considère que la France ne lutte pas assez contre ce fléau.Vous venez précisément d’annoncer ce matin un plan de lutte contre les fraudes sociales. Permettez-moi de m’étonner que vos annonces interviennent plus de trente mois après la reddition du rapport de la commission d’enquête que l’Assemblée nationale a consacrée à cette question. Si vous reprenez quelques-unes des propositions formulées dans ce rapport, je constate toutefois des angles morts importants.Ainsi, vous ne parlez nullement de l’ordonnance dématérialisée, une mesure qui a pourtant déjà permis à l’Espagne d’économiser plus de 1 milliard.Concernant les cartes Vitale, vous annoncez 2,3 millions de cartes désactivées depuis cinq ans. C’est donc bien qu’il y avait un problème ! Or, jusqu’alors, ce problème avait toujours été nié par le Gouvernement. En mai 2023, 58 millions de cartes sont actives, selon la Cour des comptes, pour 55,4 millions de porteurs au maximum, selon l’Insee. Il y a donc encore du travail !Par ailleurs, vous voulez fusionner carte Vitale et carte d’identité. Il est dommage que cela revienne à abandonner la carte Vitale biométrique. Ce qui est très embêtant, c’est qu’il s’agit d’un effet d’annonce : le ministère de l’intérieur, compétent en matière de cartes nationales d’identité, indique qu’il n’a jamais été consulté par vos services. Ma question est donc simple : comment allez-vous faire pour que ce chantier soit réalisé avant la fin du quinquennat ? Nos comptes sociaux ne peuvent plus continuer pendant encore des années à prendre en charge 75 millions d’assurés sociaux pour 68 millions d’habitants !

M. Pierre Cordier

Très bien !


Mme la présidente

La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

M. Gabriel Attal

Je vous remercie pour votre question. Vous connaissez très bien le problème de la fraude sociale, pour l’étudier depuis plusieurs années.J’ai en effet présenté ce matin un plan complet, qui s’attaque à la fraude aux cotisations sociales, aux prestations maladie et aux allocations sociales.

M. Pierre Cordier

Pourquoi avoir attendu six ans pour le faire ?

M. Gabriel Attal

Pour lutter contre la fraude aux prestations maladie, j’ai annoncé une mesure importante, qui consiste à réfléchir à la fusion de la carte nationale d’identité et de la carte Vitale. Sur ce point, beaucoup a été dit et écrit. Pour faire la lumière sur tout cela, nous avons donc missionné l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) ainsi que l’Inspection générale des finances (IGF), lesquelles nous ont remis un rapport qui a été publié ce matin et que je tiens évidemment à votre disposition.Ce rapport confirme ce que nous disons : depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, nous avons procédé à la désactivation de 2,3 millions de cartes Vitale en surnombre. Ces cartes correspondaient le plus souvent à des doublons, par exemple quand le détenteur, anciennement assuré au régime social des indépendants (RSI), avait rejoint le régime général de l’assurance maladie. Il n’y a donc plus de problème de cartes Vitale surnuméraires : le rapport le confirme, de manière transparente. Pour être très précis, il en reste 942, et nous allons tout faire pour les désactiver.Ensuite, le rapport écarte l’hypothèse de la carte Vitale biométrique pour trois raisons. Premièrement, cela coûterait très cher – 250 millions par an –, même si l’on peut aussi considérer cette dépense comme un investissement. Deuxièmement, la constitutionnalité de la mesure n’est pas certaine, en raison des fuites de données. Troisièmement, sur le plan pratique, les professionnels de santé n’en veulent pas car ils ont, disent-ils, autre chose à faire que recueillir les empreintes digitales des patients. Par ailleurs, si vous êtes malade, cloué au lit et que vous envoyez votre femme ou votre mari chercher des médicaments à la pharmacie, il lui sera difficile de donner vos empreintes digitales à votre place !La piste de la fusion de la carte Vitale et de la carte d’identité est donc celle que retient la mission de l’Igas et de l’IGF. Il n’y a aucun désaccord sur ce point au sein du Gouvernement : nous avons annoncé ce matin, avec Gérald Darmanin et François Braun, que nous lancions une mission de préfiguration pour proposer des scénarios en ce sens.


Mme la présidente

La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel

Je prends note, mais, encore une fois, ce que vous proposez va poser un certain nombre de problèmes ; nous aurons l’occasion d’y revenir. Un autre angle mort nous inquiète : à aucun moment, vous ne mentionnez les fraudes en bande organisée, lesquelles sont devenues un véritable problème auquel vous devriez vous attaquer également.

M. Xavier Breton

Très bien !