Mme la présidente

La parole est à M. Pierre-Henri Dumont.

M. Pierre-Henri Dumont

Monsieur le Premier ministre, les portes du Salon de l’agriculture viennent à peine de se refermer et déjà vous trahissez vos engagements, trahissez les agriculteurs, trahissez la ferme France.« Pas d’interdiction sans solution » : telle était votre devise sur les barrages d’agriculteurs ou dans les allées du salon. Pourtant, vous vous apprêtez à sacrifier les filières endives et chicorée, représentant 7 000 emplois, en particulier dans les Hauts-de-France, et près de 300 millions d’euros de chiffre d’affaires.Ces deux filières emblématiques de notre patrimoine vont subir l’interdiction au niveau européen de la benfluraline, seule molécule efficace pour lutter contre les chénopodes, rendant le désherbage impossible autrement que par une explosion des coûts de main-d’œuvre et privant ainsi ces deux filières de toute compétitivité.

M. Jean-Yves Bony

Eh oui !

M. Pierre-Henri Dumont

Ne nous y trompons pas : si l’Union européenne a interdit cette molécule utilisée depuis environ un demi-siècle, c’est bien parce que la France ne s’y est pas opposée lors du Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et de l’alimentation animale, le Scopaffpour de décembre 2022, préférant une honteuse abstention à la préservation de notre souveraineté alimentaire.

M. Maxime Minot

C’est toujours pareil !

M. Pierre-Henri Dumont

Si nos voisins belges et néerlandais pourront continuer à produire, c’est parce qu’ils ont demandé, et obtenu, une dérogation d’utilisation de cette molécule – ce que la France, c’est-à-dire votre gouvernement, se refuse à demander à son tour, créant ainsi les conditions d’une concurrence déloyale.

M. Maxime Minot

Eh oui !

M. Pierre-Henri Dumont

Les filières endive et chicorée ne survivront pas à cette interdiction. Vous préparez un plan social de 7 000 personnes, touchant les producteurs, les sécheurs, les torréfacteurs et leurs familles, mais aussi les collectivités locales rurales où sont implantées les usines. En refusant d’agir, vous incitez à importer des produits étrangers ne respectant pas nos normes, par exemple des cossettes de chicorée issues d’Inde.Ma question est donc simple : allez-vous, à l’instar des autres pays producteurs européens, demander une dérogation d’utilisation de la benfluraline…

M. Maxime Minot

Il serait temps !

M. Pierre-Henri Dumont

…en attendant de trouver, comme vous vous y étiez engagé, une solution alternative à la molécule, solution qui devra être accompagnée par la création d’un fonds de soutien financier ?


Mme la présidente

La parole est à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Mme Agnès Pannier-Runacher

Oui, les producteurs d’endives et de chicorées sont confrontés à une potentielle impasse technique pour le désherbage à la suite du retrait de la benfluraline au niveau européen.Vous le savez, le Gouvernement soutient pleinement les endiviers. Il est à l’œuvre pour leur apporter des solutions concrètes, d’abord parce que la filière est une fierté française : 95 % de la production vient des Hauts-de-France, nous sommes le leader mondial dans ce secteur. Je suis aux côtés des endiviers de cette région – vous le savez car nous avons en commun ce territoire.

M. Jean-Pierre Vigier

La réponse !

Mme Agnès Pannier-Runacher

En revanche, personne n’ignore, malheureusement, que les résultats des analyses sur les risques écotoxicologiques de cette molécule sont très clairs : il existe une forte suspicion de caractère cancérigène et toxique pour la reproduction. Il nous faut donc travailler à des solutions alternatives.D’abord, nous avons sécurisé la campagne de 2024 sur la base des autorisations existantes – vous le savez, il serait donc honnête de le rappeler. C’est bien le Gouvernement qui a mené ce travail.Se pose à présent la question de la production de 2025.

M. Jean-Yves Bony

Nous mangerons des endives belges !

Mme Agnès Pannier-Runacher

Mon ministère est pleinement mobilisé pour permettre que des herbicides adaptés, ou d’autres technologies, soient disponibles. Nous soutenons ainsi des tests sur deux substances d’intérêt qui pourraient se substituer au Bonalan. Nous soutiendrons tous les projets de l’Association des producteurs d’endives de France, qu’il s’agisse de désherbage mécanique automatisé ou de pulvérisation intelligente ultralocalisée.

M. Jean-Pierre Vigier

Nous voulons des solutions !

Mme Agnès Pannier-Runacher

Ces solutions ne sont pas encore arrivées à maturité mais elles existent, sont testées et nous y travaillons. J’ai rendez-vous cette semaine avec l’Anses, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’Inrae, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement et les organisations professionnelles. Nous travaillons afin que des solutions soient trouvées pour chaque interdiction de molécule, nous ne braillons pas.


Mme la présidente

La parole est à M. Pierre-Henri Dumont.

M. Pierre-Henri Dumont

Il est tout de même dommage que votre parachutage dans le Pas-de-Calais soit déjà marqué par un mensonge aux agriculteurs et aux producteurs de chicorées et d’endives.


 

Mme la présidente

La parole est à Mme Virginie Duby-Muller.

Mme Virginie Duby-Muller

Le modèle du volontariat des sapeurs-pompiers fait l’objet d’attaques répétées. Vous le savez, nos services de secours et d’incendie fonctionnent de longue date avec à la fois des pompiers professionnels et des pompiers volontaires.

M. Patrick Hetzel

C’est important de garder les deux !

Mme Virginie Duby-Muller

Je constate en Haute-Savoie que le volontariat est une base indispensable pour assurer un maillage cohérent et efficace dans l’ensemble du territoire.

M. Patrick Hetzel

Très bien !

Un député du groupe RN

Elle a raison !

Mme Virginie Duby-Muller

Je tiens à saluer les près de 200 000 femmes et hommes qui s’engagent en tant que sapeurs-pompiers volontaires, en parallèle de leur vie professionnelle et personnelle. Or dans une décision récente, le Comité européen des droits sociaux (CEDS), organe du Conseil de l’Europe, saisi il y a cinq ans par un syndicat, assimile les pompiers volontaires à des travailleurs et estime qu’ils sont victimes d’un traitement discriminatoire en matière d’indemnisation et de temps de travail.Dans toutes nos casernes, les pompiers se mobilisent aux côtés de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) et de son président Jean-Paul Bosland, qui alertent les élus sur ce sujet fondamental. En effet, les sapeurs-pompiers volontaires représentent 79 % des effectifs et effectuent 67 % du temps d’intervention. Cette décision, si elle était appliquée, pourrait donc entraîner un risque de rupture capacitaire au sein des services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) et remettrait gravement en cause notre modèle de sécurité civile. En attaquant ce modèle singulier, on risque de décourager l’engagement des pompiers volontaires.Rappelons également qu’ils attendent toujours la publication du décret relatif à l’application de la mesure de bonification de leurs trimestres en vue de la retraite adoptée par le Parlement.

Un député du groupe RN

Eh oui ! Où est ce décret ?

Mme Virginie Duby-Muller

Ne les décevez pas avec un décret au rabais qui manquerait d’ambition et s’éloignerait de l’esprit de la loi.Monsieur le ministre de l’intérieur, je connais votre attachement pour ces femmes et ces hommes. Je vous demande de prendre devant la représentation nationale l’engagement solennel de défendre au niveau européen le modèle français des sapeurs-pompiers volontaires, fondé sur un engagement altruiste et citoyen.

M. Patrick Hetzel

Très bien ! Elle a raison !


Mme la présidente

La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

M. Gérald Darmanin

Vous avez raison.

M. Grégoire de Fournas

Pourquoi ne nous avez-vous pas répondu de la même manière ?

M. Gérald Darmanin

La question du temps de travail des pompiers, posée par un syndicat de sapeurs-pompiers professionnels, suscite des interrogations dans les Sdis. Cela s’explique notamment par le manque de financement d’une partie des Sdis, lié à la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA). Je me suis entretenu à ce sujet avec M. Sauvadet, président de l’Assemblée des départements de France (ADF). Effectivement, le financement ne suffit plus à répondre aux demandes des départements, surtout des plus pauvres, dont les besoins sociaux sont considérables et qui comptent sur les pompiers pour compenser partiellement les lacunes de l’offre de soins. Nous devons donc nous interroger quant aux moyens nécessaires pour recruter davantage de sapeurs-pompiers professionnels sans pour autant remettre en cause le volontariat.D’ailleurs, les sapeurs-pompiers professionnels ne sont pas opposés au volontariat, puisque 40 % d’entre eux sont par ailleurs volontaires, notamment dans les casernes rurales.

M. Julien Rancoule

Vous voulez supprimer le double statut !

M. Gérald Darmanin

Nous ne comptons pas appliquer la décision que vous évoquez et dont vous avez pris soin de préciser qu’elle ne provient même pas de la Commission européenne. La lettre de couverture de la Commission européenne garantit le statut, certes original, mais auquel nous sommes très attachés,…

M. Julien Rancoule

On demande à voir !

M. Gérald Darmanin

…du volontariat dans la sécurité civile en France.Vous évoquez par ailleurs l’application des dispositions relatives à la retraite que vous avez votées, promise par le Président de la République lors du congrès des sapeurs-pompiers. Il n’y aura pas de décret au rabais : la loi de la République sera appliquée.

M. Hervé Saulignac

Quand ?

M. Gérald Darmanin

Nous y travaillons en ce moment.

M. Patrick Hetzel

C’est urgent !

M. Gérald Darmanin

Je recevrai d’ailleurs demain matin les représentants de la FNSPF, dont le président a rendez-vous avec le ministre de l’économie et des finances.

Mme Marine Le Pen

« Ce n’est pas moi, c’est Bruno Le Maire ! »

M. Gérald Darmanin

Je suis le premier à regretter que ce décret ne soit pas encore publié, mais je suis certain que la loi de la République sera appliquée dans les délais les plus brefs…

M. Inaki Echaniz

C’est flou ! Et quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup.

M. Gérald Darmanin

…et que la promesse du Président de la République sera tenue. Nous prendrons en considération les difficultés rencontrées par les sapeurs-pompiers volontaires, dont le grand courage fait vivre nos casernes.


 

Mme la présidente

La parole est à Mme Alexandra Martin.

Mme Alexandra Martin

Depuis de nombreux mois, les infirmiers libéraux expriment leur très grande souffrance face au manque de reconnaissance de leur travail et à l’absence de revalorisation de leurs missions. Comme nous, comme leurs patients, ils s’interrogent sur l’avenir de leur profession et sur leur place au sein de notre système de santé.Présents sept jours sur sept et 365 jours par an au chevet des patients, sur l’ensemble du territoire national, ils sont souvent les seuls visages accessibles aux personnes en perte d’autonomie qui souhaitent rester chez elle. Ils garantissent également, à l’ensemble de la population, l’équité et l’accès à des soins de qualité, en tout temps, et même pendant les crises et les pandémies.Aujourd’hui, ces professionnels sont épuisés. Leurs difficultés de trésorerie s’accumulent. La valorisation de leurs actes reste inchangée depuis quinze ans, ce qui a entraîné une perte de revenus d’environ 21 %. C’est inadmissible. Certes, l’indemnité de déplacement a été relevée en janvier dernier, mais seulement de 25 centimes par kilomètre : c’est ridicule. Par ailleurs, l’Assurance maladie a la possibilité de leur réclamer, par extrapolation, des indus sur la totalité de leur activité – et pas seulement sur les anomalies relevées lors des contrôles : c’est une aberration.De surcroît, nous oublions souvent de reconnaître leur rôle dans la prévention et l’immense responsabilité qu’ils portent. L’humanisation de la prise en charge des personnes âgées à domicile, voulue par le Gouvernement, ne pourra pas s’effectuer sans une reconnaissance du métier des infirmiers.Monsieur le ministre chargé de la santé et de la prévention, alors que j’ai interpellé vos prédécesseurs à plusieurs reprises, sans recevoir aucune réponse, j’espère aujourd’hui pouvoir en obtenir une de votre part. Quand allez-vous enfin prendre au sérieux le mal-être des infirmiers libéraux et reconnaître la pénibilité de cette profession ?


Mme la présidente

La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.

M. Ian Boucard

Il va falloir être meilleur que tout à l’heure !

M. Frédéric Valletoux

Je vous remercie pour votre question, car je connais vos préoccupations au sujet des infirmiers libéraux – ces 120 000 infirmiers qui, parmi les 630 000 infirmiers et infirmières de France, sont les plus en contact avec les patients. Aujourd’hui, la question du sens de leur engagement professionnel se pose en effet, dans un système de santé traversé de mutations importantes.Ces derniers jours, j’ai reçu les trois organisations syndicales représentant les infirmiers libéraux, afin de faire le point sur leurs attentes, dès mon entrée en fonction.Je leur ai déjà fait quelques annonces. Vous avez évoqué les contrôles, parfois mal vécus, des indus de l’Assurance maladie. Un groupe de travail réunissant l’Assurance maladie et les représentants des infirmiers va réfléchir à la méthode à employer. Des contrôles doivent pouvoir être effectués, afin de veiller à circonscrire au maximum les gabegies. Tout cela doit faire l’objet de regards affûtés.Je vais aussi lancer une mission de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur la prise en compte de la pénibilité de la profession. Vous l’avez dit, cette mission est nécessaire ; si je puis dire, nous avons besoin d’un juge de paix pour mesurer l’effectivité de cette pénibilité.Je vous rappelle qu’en décembre dernier, cet hémicycle a voté la création du statut d’infirmier référent au côté du médecin traitant. C’est une reconnaissance du rôle et de la place des infirmiers dans notre système de santé. Nous allons ouvrir le chantier de l’attractivité du métier.Enfin, vous l’avez rappelé, l’indemnité forfaitaire de déplacement a été revalorisée : cette augmentation, que vous présentez comme dérisoire, est de plus de 10 %, soit 2 000 euros annuels par infirmier – ce n’est donc pas rien.

M. Ian Boucard

Vous êtes trop bon, monseigneur !

M. Frédéric Valletoux

D’autres chantiers de plus long terme concernant la coopération et la délégation des tâches seront ouverts, et nous poursuivrons celui de la pratique avancée, qui est une voie d’avenir.

M. Ian Boucard

Les applaudissements sont nourris !


 

Mme la présidente

La parole est à Mme Nathalie Serre.

Mme Nathalie Serre

L’hôtel national des Invalides est sans conteste un joyau architectural, mais c’est surtout un lieu chargé de symboles et d’histoire nationaux. Au sein de cet édifice majestueux se trouvent l’institution nationale des Invalides (INI), dédiée aux combattants blessés et aux victimes de guerre, ainsi que plusieurs musées de renommée internationale tels que le musée des Armées ou encore le musée de l’Ordre de la Libération, témoins de notre passé militaire et de nos valeurs républicaines.Des informations récentes circulent concernant l’autorisation accordée pour l’installation d’un village saoudien sur le site même des Invalides, à partir du 10 mai 2024 et pour une période de quatre mois, couvrant ainsi toute la période des Jeux olympiques et paralympiques (JOP).J’aimerais obtenir des éclaircissements à ce sujet. Tout d’abord, pourriez-vous m’indiquer si le cabinet du Président de la République et le ministère des armées ont donné leur accord ? Si tel est le cas, pourriez-vous nous communiquer les détails de cette installation, le montant de la location et le bénéficiaire de ces fonds ?Ensuite, il est important de considérer les valeurs et les principes que notre nation défend pendant les Jeux olympiques. L’Arabie Saoudite, bien qu’elle soit notre alliée, suscite des interrogations quant au respect des droits humains, particulier ceux des femmes et de la communauté LGBT. Pouvez-vous nous éclairer sur l’image que nous souhaitons véhiculer en accueillant un tel village sur un site aussi symbolique ?Enfin, je m’interroge sur la cohérence de cette décision avec le projet scientifique et culturel du musée de l’armée, qui aspire à devenir un lieu d’histoire mondiale de la France. Comment cet événement s’inscrit-il dans cette vision ? Comment contribuera-t-il à promouvoir les valeurs de la République ?


Mme la présidente

La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des anciens combattants et de la mémoire.

Mme Patricia Mirallès

Je tenterai de répondre à partir des éléments dont j’ai connaissance. Nous disposons des informations que vous venez d’évoquer, mais rien n’est encore fait, rien n’est concret. Je comprends vos interrogations, mais je ne répondrai pas alors qu’aucun accord n’a été signé.

M. Pierre-Henri Dumont

Quel est votre avis ?

Mme Patricia Mirallès

Ma réponse est claire, me semble-t-il : nous n’avons rien de concret, mais des discussions sont en cours.

M. Pierre-Henri Dumont

Quel est votre avis ? Engagez-vous !

Mme Patricia Mirallès

Rien n’est signé pour l’instant, aussi n’ai-je rien de plus à dire.

M. Michel Herbillon

Les ministres n’ont d’avis sur rien !


Mme la présidente

La parole est à Mme Nathalie Serre.

Mme Nathalie Serre

Nous attendons les informations avec intérêt.


Mme la présidente

La parole est à Mme la secrétaire d’État. Vous disposez évidemment encore de temps pour répondre…

M. Michel Herbillon

De beaucoup de temps !

Mme Patricia Mirallès

Madame Serre connaît le travail que nous avons effectué ensemble et elle sait que je lui apporterai des réponses.

M. Pierre-Henri Dumont

Envoyez-lui donc un texto directement, ça ira plus vite !

Mme Raquel Garrido

C’est à nous qu’il faut répondre !

M. Michel Herbillon

Ce sont les questions au Gouvernement !


 

 

Mme la présidente

La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin

Ma question s’adresse au ministre chargé du nucléaire en France.

M. Fabrice Brun

Qui est-ce ?

M. Philippe Gosselin

Gérer les centaines de milliers de pièces d’une centrale nucléaire est un véritable casse-tête, c’est un vrai puzzle ! C’est pourquoi, au printemps dernier, le PDG d’EDF, a demandé la numérisation de dizaines de millions de données permettant de référencer ces pièces.Tout y passe dans nos cinquante-six réacteurs, et c’est très bien ! Grâce à des outils utilisant l’intelligence artificielle (IA), …

M. Fabrice Brun

Nous sommes sauvés !

M. Philippe Gosselin

… une maintenance prédictive pourra être assurée : les références de toutes les pièces pourront être examinées à la loupe, pour en contrôler l’origine, l’état du stock, l’historique ou encore les entrées et les sorties. Évidemment, ces données sont sensibles et ne doivent pas tomber entre toutes les mains.

M. Fabrice Brun

Tout va bien dans le meilleur des mondes, n’est-ce pas ?

M. Philippe Gosselin

Rappelons en effet qu’elles se rapportent à des installations nucléaires, dont les éléments commerciaux et industriels sont protégés par le secret. L’intérêt de la numérisation engagée est d’améliorer la gestion des stocks, si utile pour organiser une maintenance des installations dont la qualité a pu, encore récemment, être mise en doute.Le hic – parce qu’il y en a bien un –, c’est que tous ces secrets industriels seront confiés à Amazon…

M. Vincent Descoeur

Ça, ce n’est pas possible !

M. Philippe Ballard

Eh oui !

M. Philippe Gosselin

…et à sa filiale Amazon Web Services (AWS), spécialisée dans les services de cloud, pour 860 millions d’euros. Telle est la mission sensible qui reviendra à Amazon.

M. Fabrice Brun

C’est une sacrée fuite de données !

M. Vincent Descoeur

Il va falloir ressortir les pastilles d’iode…

M. Philippe Gosselin

Monsieur ministre, je m’interroge : n’êtes-vous pas gêné d’agir contrairement à la stratégie nationale pour le cloud, qui vise notre souveraineté – vous l’avez d’ailleurs répété à l’envi – ou au moins la création d’un nuage sécurisé en France ou en Europe ? N’êtes-vous pas gêné de savoir que l’hébergement de données nucléaires sensibles relèvera pour une part du droit américain ? Vous n’êtes pourtant pas sans savoir qu’Edward Snowden a révélé dès 2013 que les services de renseignement américains se servaient de ces données. Nous, nous sommes gênés : que nous répondez-vous ?


Mme la présidente

La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie.

M. Philippe Ballard

Bon courage pour la réponse !

M. Jean-François Coulomme

Nous sommes sauvés !

M. Maxime Minot

On va voir ce qu’il va pouvoir faire.

M. Fabrice Brun

N’est-ce pas Christophe Béchu qui est chargé du nucléaire ?

M. Roland Lescure

Monsieur Gosselin, si vos propos étaient exacts, je serais tout aussi inquiet que vous. Je vais donc vous rassurer.

M. Philippe Gosselin

Tout va très bien, madame la marquise !

M. Roland Lescure

Lundi dernier, j’ai visité la centrale nucléaire du Bugey, en présence du PDG d’EDF Luc Rémont, de salariés d’EDF et de représentants des organisations syndicales. À la demande de ces dernières, nous avons justement évoqué cette question et le président-directeur général d’EDF s’est montré très clair à ce sujet : il s’agit seulement d’une expérimentation, qui ne concernera que les données classifiées C1. Vous connaissez la classification en vigueur et je puis donc vous assurer que toutes les données que vous avez mentionnées et dont le caractère est extrêmement sensible ne seront pas transmises à des tiers autres que des entreprises françaises souveraines.Soyez donc rassuré : si vous avez exprimé une telle crainte, c’est sans doute que vous avez été mal renseigné, comme le journal qui l’a relayée. Il n’est en aucun cas envisagé que des données sensibles soient transmises à qui que ce soit.

M. Fabrice Brun

Quand c’est flou, il y a un loup.


Mme la présidente

La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin

Il n’empêche : même si toutes les données que j’évoquais ne sont pas concernées, il a bien été question de transmettre un certain nombre d’entre elles vers un cloud non souverain. L’expérimentation est une chose et je n’ai rien contre les Américains, qui sont et resteront nos alliés, mais suis convaincu que notre intérêt, dans le domaine nucléaire comme dans d’autres, est de garantir la souveraineté de notre cloud : nous avons encore beaucoup à accomplir pour ce faire.

M. Vincent Descoeur

Il a raison !

M. Fabrice Brun

Nous devons nous garder de tout angélisme.