Mme la présidente

La parole est à M. Mansour Kamardine.

M. Mansour Kamardine

Les présidents Ciotti et Marleix ont exprimé leur volonté d’accompagner le Gouvernement dans une réforme des retraites qui soit juste, en particulier pour les plus petites d’entre elles. Si, pour le Gouvernement, la réforme juste concerne le territoire métropolitain, pour le groupe Les Républicains elle doit concerner aussi les territoires ultramarins.

M. Patrick Hetzel

Bien sûr ! C’est essentiel.

M. Mansour Kamardine

Or les ultramarins partent, en moyenne, plus tard à la retraite, perçoivent des pensions plus faibles et meurent plus jeunes ! En outre-mer, la retraite moyenne pour une carrière complète est de 20 % inférieure à la moyenne nationale et le taux de grande pauvreté des retraités est treize fois supérieur à celui de métropole. Pire encore, à Mayotte, la pension moyenne est de 276 euros alors que l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) est plafonnée, pour des raisons que j’ignore, à 50 % de celle de droit commun !La réforme des retraites est donc une occasion à saisir afin d’améliorer deux situations spécifiques : le système de retraite à Mayotte et les petites retraites agricoles en outre-mer, notamment aux Antilles. C’est pourquoi le groupe Les Républicains vous propose de mettre en place dans les territoires ultramarins un dispositif de rachat de trimestres à un prix raisonnable pour les agriculteurs et les travailleurs agricoles, de supprimer sans délai la discrimination de la décote de 50 % de l’Aspa à Mayotte et de porter la pension moyenne à Mayotte à 400 euros au moins, au lieu des 276 euros actuels.Aussi pouvez-vous, madame la Première ministre, préciser les initiatives que vous envisagez de prendre pour répondre à nos propositions et améliorer le sort des retraités ultramarins ?

M. Patrick Hetzel

Très bien !


Mme la présidente

La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.

M. Olivier Dussopt

Vous évoquez les retraites en outre-mer, et vous avez raison de souligner que le régime qui y est appliqué crée des différences. Votre question revêt plusieurs aspects, à commencer par celui des salariés de l’agriculture. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, nous devons relever un défi : au-delà du régime général, la mise en place du régime complémentaire Agirc-Arrco doit être une priorité pour les salariés de l’agriculture. Cela relève toutefois d’une discussion entre les partenaires sociaux, puisque ce sont eux qui assurent la gouvernance de l’Agirc et de l’Arrco. Nous pouvons y œuvrer ensemble, à la fois pour mener un travail de conviction…

M. Benjamin Lucas

Un travail de conviction, vous ?

M. Olivier Dussopt

…et pour faire en sorte que les salariés de l’agriculture des territoires d’outre-mer soient mieux couverts, et de façon plus juste.Vous avez aussi évoqué les retraités à Mayotte. Vous le savez mieux que personne, la situation de ce territoire est très spécifique : le régime obligatoire ne s’y applique que depuis 1987, il n’y a pas de régime complémentaire obligatoire, et la durée de cotisation constatée est particulièrement basse. On n’y compte que 2 500 bénéficiaires du système de retraite, pour des pensions de 287 euros – niveau très faible. Plusieurs dispositifs ont été adaptés, que ce soit par le biais d’une minoration – vous avez évoqué l’allocation de solidarité aux personnes âgées – ou d’un mode de calcul parfois un peu plus favorable pour l’accès à certaines prestations – je pense notamment à la validation d’office d’un certain nombre de trimestres entre 1997 et 2002.Une période de convergence s’applique également en ce qui concerne les cotisations et le nombre de trimestres requis, pour partie jusqu’en 2023 et pour partie jusqu’en 2036.La situation de Mayotte n’est pas spécifiquement traitée dans le projet de loi que nous avons présenté avec Mme la Première ministre ; ce territoire n’y apparaît pas, car nous avons fait le choix de ne pas appliquer la réforme à Mayotte. Cela ne signifie pas pour autant que nous ne devons pas travailler la question. D’ici à l’examen du texte, je propose que nous réfléchissions, avec tous les parlementaires de Mayotte, à la façon dont nous pouvons améliorer la situation, la rendre plus juste, mieux protéger les retraités et accélérer la convergence à l’occasion d’une revalorisation et d’une amélioration des conditions de gestion des retraites à Mayotte.


Mme la présidente

La parole est à M. Mansour Kamardine.

M. Mansour Kamardine

Nous sommes à votre disposition pour y travailler pendant le débat qui a cours actuellement, et pas après : on nous a fait beaucoup de promesses, mais elles n’ont jamais été tenues depuis au moins quinze ans.

M. Jean-Yves Bony

Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent !


 

 

Mme la présidente

La parole est à M. Meyer Habib.

M. Meyer Habib

Vendredi dernier, nous avons célébré vendredi le 78anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz à l’occasion de la Journée internationale de commémoration de la Shoah : six millions de Juifs, dont deux millions d’enfants, déportés, gazés, brûlés, victimes de la folie meurtrière de la barbarie nazie, dans le silence des nations.Après un exil de deux mille ans, après l’Inquisition, après les pogroms cosaques, après la Shoah, le peuple juif est retourné à Jérusalem, sa terre ancestrale. En 1948, l’État d’Israël renaît – un État démocratique, moral et fort.Non, que ce soit clair : l’État d’Israël n’est pas une compensation de la Shoah, car le sionisme existe depuis deux mille ans. Mais la réalité est que si l’État d’Israël avait existé à cette époque, il n’y aurait jamais eu la Shoah – la Shoah que le régime sanguinaire iranien rêve de reproduire.C’est ce 27 janvier, jour symbolique, qu’un djihadiste a choisi pour abattre à Jérusalem, devant une synagogue, sept civils, dont une réfugiée ukrainienne – j’ai une pensée pour eux et leurs familles.Si la France a condamné cet attentat – je m’en réjouis –, une certaine gauche et des grands médias parlent de « colons juifs » et d’« ultraorthodoxes » pour justifier à demi-mot le terrorisme, le même que celui qui frappe aussi à Paris ou à Nice. Pas un mot de condamnation de la part de ceux-là mêmes qui, deux jours plus tôt, parlaient de massacres alors qu’Israël ne fait que se défendre et éliminer des bombes à retardement humaines avant qu’elles ne passent à l’acte. Pour cette gauche, tuer des Juifs, c’est de la résistance !Pire, ce sont les mêmes qui accueillent en héros à l’Assemblée nationale Salah Hamouri, cadre du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), organisation terroriste notamment responsable de l’attentat de la rue Copernic, qui a ensanglanté la France !Célébrer, dans le temple de notre démocratie, un terroriste qui a reconnu avoir programmé l’attentat contre le grand rabbin d’Israël, voilà le nouvel antisémitisme. Je ne parle pas d’antisionisme mais bien d’antisémitisme !

M. André Chassaigne

Scandaleux !

M. Meyer Habib

Madame la Première ministre, ne jugez-vous pas intolérable la visite de Salah Hamouri à l’Assemblée nationale ? À quarante-huit heures de la rencontre, à l’Élysée, entre le Premier ministre israélien et le Président de la République, quels sont les gestes forts que la France compte accomplir, afin de soutenir le gouvernement israélien dans la lutte contre le terrorisme ? (

M. André Chassaigne

Cette question est une honte !


Mme la présidente

La parole est à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Alexandre Loubet

Il fait quel temps à Kiev ?

Mme Catherine Colonna

Monsieur le député, je comprends votre émotion et je la partage. Vendredi, un Palestinien radicalisé a ciblé une synagogue à Jérusalem, dans une attaque abjecte, le jour de shabbat, au sortir de la prière et, qui plus est, un 27 janvier, journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de la Shoah.Vous l’avez dit, la France a aussitôt condamné cet attentat dans les termes les plus clairs. Nos pensées vont aux familles des personnes décédées et aux blessés. Certains groupes terroristes, en Palestine et ailleurs, ont célébré cette attaque, dans une posture de haine méprisable qui ne résoudra rien – au contraire.Semaine après semaine, nous assistons à une escalade très grave des tensions, en Israël et dans les Territoires occupés. On ne compte plus les actes de violence et les victimes. La trajectoire actuelle ne peut mener qu’à davantage d’affrontements, de haine et de souffrances. Il est indispensable de l’infléchir.La France réitère sa position : elle est déterminée à œuvrer à la paix, sur la base du droit international et de la solution à deux États – la seule qui permettra aux Israéliens et aux Palestiniens de vivre en paix et en sécurité, comme ils en ont le droit.Ce message constant de la France, le Président de la République le répétera au Premier ministre israélien, qu’il recevra jeudi soir. Pour ma part, je le porterai auprès d’autres pays de la région, où je me rendrai cette semaine. Il est urgent, tout autant que nécessaire, de restaurer un horizon politique qui manque aujourd’hui cruellement.


 

 

Mme la présidente

La parole est à M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix

À travers vous, monsieur le président de la Rada, c’est l’engagement, le courage et la résistance du peuple ukrainien que nous voulons honorer cet après-midi. Jour après jour, les Ukrainiens forcent l’admiration du monde. Pour nous, il n’y a aucun doute : oui, la Russie a violé la souveraineté ukrainienne et porte seule la responsabilité du retour de la guerre en Europe, avec son cortège insensé de crimes contre l’humanité, de Boutcha à Kharkiv.

Madame la Première ministre, si la France doit aider l’Ukraine – et notre pays n’a cessé d’étendre son soutien militaire, humanitaire et financier –, le conflit, figé depuis l’automne, connaît depuis plusieurs semaines des mouvements inquiétants, laissant entrevoir la perspective d’une offensive de grande ampleur de la Russie, qui pourrait aligner jusqu’à un demi-million de nouveaux conscrits.

Le président Poutine, habité par les idées de destruction et de reddition de l’Ukraine, s’est engagé dans une guerre qui n’a aucun sens politique ou économique – à moins de vouloir reconstituer le glacis soviétique. Malgré le maintien d’un fil de communication – parfois ténu – avec l’agresseur depuis le début du conflit, les espoirs de trouver une porte de sortie négociée à court terme s’amenuisent devant l’intransigeance russe : aucune négociation n’est évidemment possible tant que l’Ukraine est sous les bombes.

La France, grande puissance – européenne notamment – et membre de droit du Conseil de sécurité des Nations unies, a vocation à imaginer la fin de la guerre. Pourtant elle ne fait pas entendre sa voix singulière : notre pays donne le sentiment d’être à la remorque de ses partenaires européens et de son allié américain (« Oh ! » sur quelques bancs du groupe RE) , parfois en décalage avec eux et sans initiative propre. Elle n’est pas à la hauteur de son histoire : sans doute la position française souffre-t-elle de l’isolement du Président de la République jusque dans son propre pays,une des seules démocraties dans laquelle le chef de l’État n’évoque pas ses options stratégiques avec le Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

Madame la Première ministre, vous devez vous appuyer sur le Parlement pour construire la position française. Vous devez partager avec nous un état des lieux réaliste de nos capacités en matière de soutien militaire, et nous présenter les scénarios de désescalade et de paix pour l’Ukraine qui guident le Gouvernement. La solidarité de la France envers le peuple ukrainien sera d’autant plus solide qu’elle sera éclairée et partagée : êtes-vous prête à organiser un débat au Parlement sur ce sujet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.).

 

 

Mme la présidente

La parole est à Mme Christelle Petex-Levet.

Mme Christelle Petex-Levet

Monsieur le ministre de la santé et de la prévention, le système de santé français est arrivé à un point de non-retour. Ma question vous paraîtra peut-être redondante, déjà entendue et réentendue. Malheureusement, elle est toujours au cœur des préoccupations de chaque citoyen, et elle est d’une importance capitale. Que l’on puisse ne pas en avoir conscience, cela me dépasse.Pas un jour ne passe sans que nous soyons sollicités à ce sujet. Que répondre à nos concitoyens ? Urgences, hôpitaux, médecines de ville et de proximité : tous les professionnels se sentent incompris face à la pénurie de soignants, à la saturation de leurs établissements et à la dégradation de leurs conditions de travail. Et quand ils proposent un projet visant à améliorer le système de santé, bien souvent ils ne sont pas soutenus ou ce projet n’entre pas dans les cases de ceux de l’État.

M. Maxime Minot

Eh oui !

Mme Christelle Petex-Levet

Nous n’en sommes plus aux réponses mais aux actes. Il faut définir un objectif commun avec des mécanismes adaptés à chaque territoire. Dans mon département, nous formons le personnel soignant et, quelques mois plus tard, il part travailler dans la Suisse voisine. De tels exemples, il en existe des dizaines dans chaque département. Pour soigner notre système de santé, plusieurs leviers doivent être actionnés. Ayons du bon sens !

Mme Ségolène Amiot

Il faut revaloriser les salaires !

Mme Christelle Petex-Levet

Dès demain, libérons les médecins des consultations inutiles, comme celles qui ont uniquement pour objet la délivrance d’une ordonnance et sont imposées par l’obligation de respecter le parcours de soins. Revenons au libre choix du médecin, redonnons aux professionnels des conditions de travail dignes, revalorisons les salaires et le tarif des consultations, réduisons les tâches administratives et – ce qui aurait déjà dû être fait – réintégrons les soignants non vaccinés !

M. Fabien Di Filippo

Elle a raison !

Mme Christelle Petex-Levet

Que cherchez-vous ? Les professionnels ne sont pas responsables des erreurs commises en matière de politique de santé par les gouvernements successifs, qui ont conduit à la crise actuelle. Notre pays s’enlise dans des politiques inefficaces qui ne parviennent pas à soigner les maux de notre système de santé. Les professionnels en font d’ores et déjà le constat : le plan annoncé récemment ne suffira pas.Je vous le demande, monsieur le ministre, quand allez-vous réellement engager des responsabilités et des actions efficaces et durables pour notre santé ?


Mme la présidente

La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. Pierre Cordier

Il n’a pas de masque, aujourd’hui !

M. François Braun

Madame la députée Petex-Levet, je vous remercie de confirmer que la dégradation du système de santé ne date pas d’aujourd’hui…

M. Pierre Cordier

Cela fait cinq ans que vous êtes aux affaires !

M. François Braun

…ni de ces dernières années, mais qu’elle est le résultat de décennies durant lesquelles il a été détruit. L’objectif du Gouvernement est clair : prendre soin des Françaises et des Français mais aussi et surtout de ceux qui les soignent.Beaucoup de choses ont déjà été faites : je ne reviens pas sur la suppression du numerus clausus – enfin ! – ou sur le Ségur de la santé. Mais le contexte nous impose d’aller plus loin. Le Président de la République a fixé des objectifs à partir de trois principes issus des travaux du Conseil national de la refondation (CNR) santé menés dans les territoires.Premièrement, il faut travailler territoire par territoire, car les solutions sont différentes de l’un à l’autre.Deuxièmement, il convient de renforcer la complémentarité entre les acteurs pour mettre fin à la concurrence entre public et privé ou entre médecins et paramédicaux.Troisièmement, nous devons privilégier les organisations à échelle humaine, et revenir à la notion de service et de communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) pour chaque territoire. À court terme, dans les six mois qui viennent, au-delà de la poursuite de l’augmentation du nombre de formations, il faut libérer du temps médical, car c’est, pour le moment, la solution la plus efficace. Les médecins, les soignants, doivent se consacrer exclusivement au soin grâce à l’aide des assistants médicaux en ville déployés sous le quinquennat précédent – c’est ce que l’on appelle l’exercice aidé – et, pour ce qui est de l’hôpital, grâce à l’affectation de nouveaux personnels administratifs auprès des services.La plus-value de chaque professionnel de santé doit être reconnue dans les parcours de soins au sein des équipes soignantes, autour du médecin traitant.Notre engagement vis-à-vis des Françaises et des Français est le suivant : un médecin traitant sera proposé, avant la fin de l’année, à chacun des patients qui souffrent d’une affection de longue durée (ALD) et qui n’en ont pas, et la continuité des soins sera assurée dans chaque territoire.Vis-à-vis des professionnels de santé, nous nous engageons à reconnaître la pénibilité, dans la continuité de ce que nous avons fait cet été, à améliorer la qualité de vie au travail – ce qui permettra de lui redonner du sens – et à proposer un nouveau pacte concernant l’attractivité, qui devra être élaboré avec les territoires, car les enjeux en la matière sont différents de l’un à l’autre.

M. Fabien Di Filippo

Cela reste très théorique !


Mme la présidente

La parole est à Mme Christelle Petex-Levet.

Mme Christelle Petex-Levet

Les grands discours, c’est bien. Être réactif en proposant des solutions immédiates, c’est mieux !


 

 

Mme la présidente

La parole est à M. Julien Dive.

M. Julien Dive

J’associe Valérie Bazin-Malgras à ma question.Les betteraviers estiment à 200 millions d’euros les pertes de rendement consécutives à l’épidémie de jaunisse qui a décimé des hectares entiers de culture en 2020. Cette année noire semblait appartenir au passé quand, jeudi 19 janvier 2023, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en a décidé autrement. Elle a en effet jugé illégales les dérogations accordées aux agriculteurs pour utiliser des néonicotinoïdes en enrobage de semences.Quelques semaines avant les semis de la campagne 2023-2024, cette décision assène un véritable coup de massue à la filière betterave-sucre. Les décisions de la CJUE vont à contre-courant de la réalité agronomique à laquelle les producteurs sont confrontés. Depuis des semaines, on entend le ministre de la transition écologique prendre position contre les betteraviers, mais il a fallu cet arrêt brutal pour que nous soyons obligés d’agir dans l’urgence et sortir de cette impasse.Monsieur le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, vous proposez un plan d’action pour soutenir la filière, mais il nous faut des engagements concrets et durables. Le plan national de recherche et d’innovation que vous mentionnez demande non seulement de l’argent, mais du temps ; or le temps des 24 000 betteraviers est compté !Vous évoquez dans ce plan d’action un accompagnement financier ; mais les producteurs de pommes de terre féculières se souviennent encore des promesses non tenues. Où comptez-vous chercher les fonds ? Quelles en sont les règles ? Sont-ils ou non plafonnés ? S’accompagnent-ils ou non d’une franchise ? S’inscrivent-ils en dehors des règles européennes  ?Aucun pays membre ne peut déroger à l’interdiction des néonicotinoïdes enrobés sur des graines de betteraves, sauf l’Allemagne, deuxième producteur européen de betteraves à sucre après la France, qui contourne cet arrêté en utilisant des insecticides pulvérisés que vous interdisez en France. Dans l’Union européenne, les mêmes règles doivent s’appliquer à tous !Monsieur le ministre, comptez-vous monter au créneau pour proposer l’instauration des mêmes règles du jeu au sein de l’Union européenne, afin de préserver notre souveraineté agricole et permettre aux agriculteurs français de fournir le sucre, le bioéthanol et le gel hydroalcoolique dont nous avons besoin chaque jour ?


Mme la présidente

La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Marc Fesneau

Vous connaissez bien le sujet, monsieur Dive, puisque votre circonscription se situe dans un département concerné, et parce que vous y travaillez depuis le vote de la loi en vigueur, qui a permis la dérogation relative à l’enrobage des semences.Comme vous l’avez rappelé, nous avions bien prévu de sortir, au bout de trois ans, de ce régime dérogatoire. La décision de la Cour de justice de l’Union européenne interrompt durement ce processus. En effet, le Gouvernement avait décidé de lancer une troisième année d’expérimentation pour enfin valider les solutions. En effet, celles-ci ne relèvent pas de la magie ; elles sont issues de la recherche, du temps et de l’innovation.Le premier élément de réponse concerne les enrobages et me permet de compléter ma réponse à la question de Lise Magnier : évidemment, la décision de la Cour de justice de l’Union européenne s’appliquera à l’ensemble des pays européens. Nous activerons la clause de sauvegarde, afin d’éviter les distorsions à l’intérieur de l’Union. Deuxièmement, notre engagement vis-à-vis de la filière, consistant à couvrir l’intégralité des pertes provoquées par la jaunisse de la betterave, sera tenu. Nous avons besoin de répondre en urgence aux producteurs, la décision de justice intervenant au moment des plantations. Troisièmement, nous devons poursuivre la recherche tant sur les itinéraires techniques plus classiques et au moyen du PNRI. Vous avez raison, c’est long ; mais nous n’avons pas d’autre choix.Conformément à la loi votée à l’Assemblée nationale et au Sénat, issue d’un compromis avec la filière, la tendance était d’interdire les néonicotinoïdes à l’issue de l’expérimentation . Voilà le travail que nous avons à faire, monsieur le député; je compte sur nous tous pour envoyer à la filière ces messages, concernant le court, le moyen et le long termes. Comme vous l’avez rappelé, cette filière compte beaucoup en matière de souveraineté nationale.


M. le président

Bonsoir, chers collègues. La parole est à Mme Hélène Laporte.

Mme Hélène Laporte

« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. » Comme vous le savez, c’est sur le fondement de cette règle inscrite au premier alinéa de l’article 3 de la Constitution que l’Assemblée nationale est autorisée à siéger, au nom du peuple français et de lui seul, et partage avec le Sénat la prérogative de voter la loi. Le texte que nous examinons, s’il répond aux conditions formelles d’élaboration de la loi, ne peut être tenu pour une manifestation de la souveraineté nationale. En effet, il s’agit de traduire dans notre droit des dispositions édictées par des instances auxquelles nous avons sciemment abandonné des pans entiers de notre souveraineté.En application de l’article 260 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la France pourrait être condamnée par la CJUE si notre Parlement ne se conforme pas aux textes européens. En d’autres termes, nous pouvons techniquement rejeter ce projet de loi, mais nous n’en avons pas réellement la liberté. Selon la logique des institutions européennes, notre liberté s’arrête à la question du comment : par quelle adaptation de notre droit mettrons-nous en œuvre ce qui nous est commandé ? Nous ne sommes guère qu’un sas juridique entre Bruxelles et le citoyen, une chambre d’enregistrement de normes conçues par des instances non élues.Si technique que soit le contenu du texte et si consensuels que puissent être certains de ces articles, il me semblait important de rappeler les conditions dans lesquelles nous devons nous prononcer. Elles ne conviennent pas à un parlement représentant un peuple libre, mais plutôt à une instance de ratification opérant sous contrainte. Nous ne faisons qu’exécuter, sous peine d’engager la responsabilité financière de la France, des mesures décidées par des instances supranationales auxquelles nous avons par avance accordé un blanc-seing.Nous voici donc devant un texte dont la seule cohérence d’ensemble consiste à mettre en conformité des portions du droit français avec le droit européen. Il comporte des dispositions économiques et surtout financières, des règles de droit social concernant aussi bien la protection des salariés que la santé publique, des règles relatives aux transports, qu’ils soient routiers, ferroviaires ou maritimes, ou encore des normes agricoles. En contemplant l’inventaire hétéroclite de cette loi fourre-tout, nous pouvons dénombrer les domaines supplémentaires que nous abandonnons à la compétence supranationale de l’Union européenne, tout comme nous lui avons abandonné notre souveraineté en matière de politique agricole, de commerces de biens ou de services, de circulation des personnes, de politique monétaire, d’autorisation des produits pharmaceutiques, d’encadrement du marché énergétique, et j’en passe. Les implications de cette perte de souveraineté sont très concrètes ; nous en avons eu récemment un exemple édifiant lorsque la CJUE a supprimé toute dérogation permettant l’emploi de néonicotinoïdes, décision dont nous pouvons légitimement craindre qu’elle mette à terre le secteur français de la culture betteravière et de l’industrie sucrière.

M. Pierre Cordier

Ce n’est pas grave, nous dira-t-on, nous n’aurons qu’à importer du sucre du Brésil…

Mme Hélène Laporte

Fidèles à nos principes de défense de la souveraineté nationale, nous nous opposerons en particulier aux nombreux articles du texte qui consacrent un dessaisissement du Parlement en habilitant le Gouvernement à procéder par ordonnance pour adapter le droit français aux exigences bruxelloises, ou qui crée au détriment des Français une complexité administrative injustifiée. Inversement, nous jugeons opportun de soutenir l’adoption des articles qui rendent du pouvoir aux assemblées parlementaires, qui effacent la surtransposition de directives antérieures, qui améliorent l’accessibilité des services aux personnes handicapées, qui rendent justice aux salariés prenant des congés familiaux et des congés de solidarité familiale, qui sanctionnent la falsification de médicaments, qui corrigent les erreurs rédactionnelles dommageables de précédents textes, ou qui favorisent la formation de jeunes agriculteurs venant de s’établir.Ainsi défendons-nous une position pragmatique et constructive, notre objectif n’étant pas de faire obstacle à certains aménagements que nous estimons positifs. Cependant, ces quelques dispositions acceptables ne suffisent pas à sauver un texte qui, dans son principe comme dans l’essentiel de son contenu, vise à faire encore un peu plus de la France une province de l’Union européenne régie par une législation qu’elle se condamne à subir – chose que, aujourd’hui comme hier et demain comme aujourd’hui, nous refusons.Vous l’aurez donc deviné, nous voterons contre ce texte.


M. le président

La parole est à Mme Anne Bergantz.

Mme Anne Bergantz

En préambule, je tiens à souligner l’importance de persévérer dans la construction de cet édifice commun qu’est l’Union européenne, et d’œuvrer ensemble à la préservation des droits et acquis forgés au cours des décennies.

 

Mme Anne Bergantz

Ce fut le cas en commission ou encore cet après-midi lors des questions au Gouvernement : nous entendons çà et là une petite musique sur l’incursion présumée de l’Europe dans notre cadre législatif. Rappelons-le, le principe de primauté du droit européen vise à garantir que les citoyens soient uniformément protégés dans tous les territoires de l’Union européenne. En votant la transposition de directives dans notre droit français, comme nous nous apprêtons à le faire, c’est précisément ce à quoi nous nous employons.Car si ce projet de loi agrège un ensemble hétérogène et très technique de dispositions découlant d’une réglementation européenne complexe, leur transposition en droit interne aura des effets des plus concrets sur la vie des Françaises et des Français.L’objectif du texte est clair et nous y adhérons sans difficulté. La transposition des directives doit s’opérer dans des délais impartis, afin de garantir l’effectivité du droit de l’Union européenne, mais également pour limiter le risque d’introduction de recours en manquement contre la France. L’Europe n’est pas qu’une machine technocratique : derrière les transpositions se trouvent nos concitoyens et nos petites et moyennes entreprises qui, encore plus qu’hier, nous exhortent de nous tenir à leurs côtés. C’est ce à quoi tend ce texte.S’agissant de nos entreprises, nous nous réjouissons de l’article 10 du projet de loi, lequel vise à modifier des dispositions du code de commerce, afin de revenir sur des surtranspositions susceptibles de porter préjudice à nos entreprises déjà fragilisées par les crises récentes. Cette correction leur permettra, et c’est heureux, de rester concurrentielles face aux autres entreprises européennes. J’insiste, il s’agit d’une avancée concrète pour nos petites et moyennes entreprises.De la même façon, la transposition seulement partielle des règles européennes en matière de commande publique était de nature à nuire à nos opérateurs économiques. Il est bienvenu que le Sénat ait choisi de préserver l’effet dissuasif des peines d’exclusion des procédures de passation des marchés.En ce qui concerne nos agriculteurs, et particulièrement les plus jeunes d’entre eux, le projet de loi tend à clarifier le cadre juridique des aides à l’installation.Quant à notre épargne, les mesures de simplification contenues dans le texte devraient permettre de faciliter le lancement en France du produit paneuropéen d’épargne retraite individuelle.Je pourrais m’arrêter ici, mais ce serait oublier, comme l’a très justement rappelé notre collègue Servane Hugues en commission, que l’Union européenne ne se cantonne pas aux sujets économiques. Initialement faibles, les piliers sociaux et écologiques de l’UE se sont renforcés au fil des années et sont désormais investis d’ambitions concrètes, dont certaines trouvent leur traduction dans ce projet de loi. Celui-ci comporte en effet de très belles avancées relatives au droit du travail et à l’égalité des droits.Pour 12 millions de nos concitoyens en situation de handicap, l’article 12 vise à renforcer l’accessibilité des équipements informatiques en libre service ou grand public – même si cette mesure dépend moins de l’adoption de cet article que de son application. Instaurée en 2005, cette exigence d’accessibilité s’est en effet malheureusement heurtée à la difficile installation d’équipements informatiques par les opérateurs. Nous devons nous en souvenir et œuvrer conjointement à l’effectivité de leur disponibilité.Nous serons tout aussi vigilants à l’application des mesures prévues à l’article 24, relatif à la sérialisation. Bien que celle-ci soit en bonne voie, nous devons rapidement augmenter le nombre d’officines connectées au répertoire national de vérification des médicaments.Enfin, le projet de loi contient plusieurs dispositifs devant renforcer l’efficience de la coopération entre les services d’aide sociale à l’enfance des États membres de l’Union européenne, devant améliorer l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des proches aidants, et devant améliorer l’information des salariés du secteur public sur l’exercice de leurs fonctions. Ce sont autant de modifications législatives nécessaires pour renforcer la coopération en matière de responsabilité parentale et de protection de l’enfance.Ainsi, mes chers collègues, malgré la multiplicité et la technicité des dispositions, un seul et même esprit anime ce projet de loi : celui d’une Union européenne plus protectrice, plus proche des citoyens, et défendant un projet global et ambitieux d’approfondissement de la coopération entre les États membres. Voilà pourquoi le groupe Démocrate se prononcera en faveur de ce texte, émettant simplement le souhait que ses articles s’appliqueront dans les délais fixés, afin d’assurer une meilleure égalité et une meilleure sécurité pour tous nos concitoyens français.


Mme la présidente

La parole est à M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul

Le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation du droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture tend à transposer plusieurs directives et règlements européens dans notre droit interne.Dans le domaine économique et financier, ce texte va dans le bon sens, en ce qu’il viendrait renforcer la protection des consommateurs et des épargnants grâce, notamment, à la portabilité des produits paneuropéens d’épargne retraite individuelle.Cependant, certains éléments posent problème dans la mesure où ils retireraient un pouvoir à la représentation nationale. En effet, par ce texte, le Gouvernement souhaite transférer du pouvoir législatif au pouvoir réglementaire la fixation des seuils relatifs au régime « solvabilité II » des institutions de prévoyance. De plus, il est nous également proposé d’autoriser l’exécutif à légiférer par ordonnance s’agissant des informations contenues dans le rapport de durabilité des entreprises, relatif à leur impact social et environnemental. Sur ces deux questions, plutôt que de nous en remettre à des ordonnances, un débat parlementaire devrait avoir lieu.Quant à la décision de réserver l’obligation de publier des informations extrafinancières aux seules entreprises émettant des assurances vie, il apparaît que c’est la règle la moins-disante qui l’a emporté au sein de l’Union, ce qui exclut de fait les autres compagnies d’assurances.Dans le domaine social, la question de l’accessibilité des services numériques pour les personnes en situation de handicap est absolument fondamentale. Nonobstant l’adoption, en commission, d’un amendement visant à renforcer les sanctions en cas de manquement aux obligations d’accessibilité, notons que les ambitions globales de ce texte ne sont pas encore satisfaisantes.Dans son rapport de février 2022 sur la dématérialisation des services publics, la Défenseure des droits notait que seuls 40 % des 250 démarches en ligne les plus fréquentes étaient accessibles à nos concitoyens en situation de handicap. Dans nos territoires, l’accessibilité aux services publics est également loin d’être optimale, sachant que le tout-numérique a malheureusement renforcé les difficultés de certains de nos concitoyens, à commencer par les personnes en situation de handicap, à accéder à leurs droits. Dans ce domaine, le plan gouvernemental n’est pas assez ambitieux. Il convient d’accélérer la mise en accessibilité de ces services essentiels.Sur le plan sanitaire, le groupe Socialistes et apparentés salue, entre autres, les dispositions visant à mieux encadrer les actes de chirurgie esthétique, afin de mieux protéger les consommateurs et les patients pouvant être influencés par de la publicité déguisée sur les réseaux sociaux.Dans le domaine des transports, nous avons soutenu un amendement adopté en commission visant à autoriser les autorités de contrôle à assurer une vérification de la fiabilité des données et des conseils des différents outils d’aide à la mobilité. Cela devrait permettre d’assurer la sincérité, ainsi que l’absence d’intérêt commercial d’outils tels que Google Maps, Mappy ou Apple Plans que les personnes utilisent pour effectuer un trajet.En ce qui concerne l’accessibilité des transports ferroviaires pour les personnes en situation de handicap, nous saluons bien sûr l’extension du régime actuel aux trains régionaux, qui va dans le bon sens, tout comme nous nous félicitons de l’adoption en commission d’un de nos amendements visant à faciliter l’utilisation des services d’information et de billettique multimodales.Pour ce qui est de la redevance applicable aux poids lourds qui circulent sur les autoroutes concédées, la mesure va dans le bon sens si elle contribue à la conversion du parc à des véhicules moins polluants. Et si cette disposition s’inscrit dans la décarbonation du fret routier, il demeure nécessaire de déployer des moyens importants pour développer le fret fluvial et ferroviaire.Pour améliorer la prévisibilité et la planification du réseau ferré, nous proposons, en lien avec l’Autorité de régulation des transports (ART), d’ajouter au contrat de performance conclu entre l’État et SNCF Réseau une prévision pluriannuelle des investissements. Cette question est fondamentale pour favoriser des choix politiques ambitieux en faveur du développement du transport de voyageurs et de marchandises par le rail, et atteindre nos ambitions en matière de décarbonation des transports.Enfin, dans le domaine agricole, il nous semble important d’utiliser les aides à l’installation des jeunes agriculteurs pour encourager les mutations de ce secteur. Nous proposons également d’élargir les critères d’octroi de ces aides, afin d’encourager les jeunes agriculteurs à s’engager dans l’agroécologie. L’instauration d’une forme de conditionnalité écologique paraît nécessaire pour créer les conditions d’une réduction à long terme de l’usage des différents intrants pouvant être nocifs pour le vivant et la santé.La transposition des directives dans les délais impartis constitue un objectif important non seulement pour assurer l’effectivité du droit de l’Union européenne, mais aussi – nous le savons – pour limiter le risque d’introduction de recours en manquement contre la France. Pour autant, la nécessité, voire l’urgence de légiférer pour adapter le droit interne au droit de l’Union européenne, ne saurait nous conduire, au-delà de certains efforts, à approuver le recours excessif aux ordonnances.Cela étant rappelé, nous ne nous opposerons pas à l’adoption du texte.


Mme la présidente

La parole est à M. Paul Christophe.

M. Paul Christophe

Ce projet de loi vise à transposer en droit interne ou à rendre conforme avec le droit français six directives et six règlements que l’Union européenne a adoptés dans plusieurs domaines ces trois dernières années. Par ailleurs, il tend à à la mise en conformité des dispositions du droit français avec le droit européen, rendue nécessaire par des mises en demeure ou des décisions contentieuses.Portant sur de vastes sujets, il vise, dans les domaines sanitaire et social, à réaffirmer le principe d’accessibilité, pour les personnes en situation de handicap, à certains produits et services en ligne, tels que certains sites internet ou bancaires, les billetteries, les livres numériques ou le e-commerce.À cet égard, l’adoption en commission des affaires sociales de l’amendement du Gouvernement visant à informer le Parlement sur les modalités d’application dans notre droit de ces nouvelles exigences d’accessibilité constitue une réelle avancée. Cet amendement avait été enrichi par le sous-amendement de notre collègue Astrid Panosyan-Bouvet visant à ce que le Gouvernement, dans le cadre de son habilitation à légiférer par ordonnance, renforce effectivement le régime des sanctions prévu par la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, s’agissant notamment de l’accessibilité des sites internet. Le groupe Horizons salue cette disposition, qui permettra une meilleure inclusion des personnes en situation de handicap.Pour répondre à une demande importante des départements, le projet de loi doit également permettre aux services d’aide sociale à l’enfance d’être saisis de demandes de coopération entre pays européens en matière de responsabilité parentale.Par ailleurs, il marque une avancée importante pour le droit des travailleurs, en ce qu’il prévoit la transposition de la directive européenne (UE) 2019/1158 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019, assurant ainsi une information complète des employés et garantissant l’accès au congé familial pour de nouvelles catégories de salariés. Nous nous réjouissons de cette transposition à venir, laquelle imposera aux États membres de prévoir l’accès à au moins cinq jours ouvrables de congé d’aidant par an.Une fois transposées, les mesures de cette directive assureront un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée pour les parents et les proches aidants. Je considère d’ailleurs ces dispositions comme le début d’un droit qu’il nous faudra faire évoluer, notamment parce que, comme le mentionne le rapport de la commission des affaires sociales sur ce texte, les assistants maternels et les assistants familiaux employés par des personnes de droit privé, ainsi que les salariés employés par des particuliers pour réaliser des travaux à caractère familial ou ménager, ne sont éligibles qu’au seul congé de présence parentale. Il faudra donc être attentifs à ce qu’il n’y ait pas de rupture d’égalité entre les travailleurs lors de l’application de cette directive.Par ailleurs, le texte comporte diverses dispositions de santé publique, telles que le renforcement des sanctions encourues par les officines ne respectant pas leur obligation de stérilisation des médicaments, et des transpositions de directives relatives aux médicaments vétérinaires ou aux dispositifs médicaux.Le projet de loi a aussi été enrichi par l’adoption en commission des affaires sociales d’un amendement à l’article 23 visant à rendre plus opérationnel le mécanisme de prévention des ruptures d’approvisionnement en dispositifs médicaux. En effet, la rédaction issue de l’examen du texte par le Sénat a largement repris des dispositions votées lors de la discussion de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, mais qui avaient été censurées par le Conseil constitutionnel pour des raisons de procédure.La modification de Mme la rapporteure Laurence Cristol introduit davantage de souplesse dans le texte, puisqu’elle élargit les critères qualifiant les dispositifs médicaux d’indispensables et prend en considération le contexte, sans se limiter aux caractéristiques intrinsèques du produit.Nous sommes également favorables à la disposition introduite par l’amendement de M. le rapporteur pour avis Stéphane Travert en commission des affaires économiques, qui supprime l’exigence – introduite lors de l’examen du texte au Sénat – d’une condition de formation minimale préalable à l’octroi des aides à l’installation des jeunes agriculteurs. La démarche de formation pourra être progressive, au cours de l’installation, ce qui permettra de toucher un public plus varié, et par conséquent d’encourager un plus grand nombre d’installations.Le projet de loi comporte ainsi plusieurs mesures sociales importantes ayant un effet direct sur la vie des Français. Il traduit l’ambition – réaffirmée depuis plusieurs années – de renforcer les compétences européennes en matière sociale, et rappelle le rôle essentiel que joue l’Europe au quotidien dans la protection des citoyens, des patients, des travailleurs et des consommateurs. Les députés du groupe Horizons et apparentés voteront donc en sa faveur.


Mme la présidente

La parole est à Mme Lisa Belluco.

Mme Lisa Belluco

Ce projet de loi de transposition du droit communautaire est très disparate et d’une grande technicité, comme habituellement – cela a été souligné à plusieurs reprises. Il n’en aura pas moins des effets concrets sur la vie des Françaises et des Français. Il ne me paraît donc pas correct de l’examiner dans un délai si court.Le groupe Écologiste-NUPES salue toutefois l’effort de transposition que traduit le texte, d’autant que la France a longtemps compté parmi les mauvais élèves de l’Europe pour ses importantes carences en la matière. Il est vrai que ce retard a été partiellement rattrapé, en particulier à l’occasion de la présidence française de l’Union européenne, mais nous regrettons que l’adaptation de notre législation au droit communautaire demeure assez minimaliste dans le présent texte. La priorité donnée à la décarbonation des transports, par exemple, aurait pu être plus résolue : le projet de loi se contente du service minimum, sans couvrir les évolutions nécessaires – j’y reviendrai.Mon groupe salue également les avancées sociales du projet de loi, parmi lesquelles figurent l’élargissement des exigences d’accessibilité pour les personnes en situation de handicap, un meilleur équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée des parents et des proches aidants, et une coopération renforcée entre les pays européens en matière de services d’aide sociale à l’enfance. Ces transpositions restent toutefois limitées : il n’est pas prévu de mesure structurelle pour renforcer l’accompagnement à la parentalité ou l’accès au numérique, pas plus qu’il n’est prévu de stratégie relative à l’accessibilité – le collectif Handicaps en faisait pourtant la demande et regrette de ne pas avoir été associé aux travaux de transposition.Si le projet de loi comprend des avancées intéressantes quant aux congés de paternité et de parentalité, il conviendrait d’aller plus loin en apportant un véritable soutien au congé de parentalité, comme en Espagne où il a été porté à seize semaines, est non transférable et rémunéré à 100 %.En matière de transport, le texte intègre essentiellement la révision de la directive « Eurovignette » – dénomination qui ne correspond plus à la réalité, puisqu’il s’agit non plus d’imposer l’achat de vignettes, mais d’appliquer une taxe kilométrique. Alors que de nombreux pays européens appliquent déjà d’importantes taxes sur les poids lourds – ce qui explique qu’ils aient, bien plus que la France, développé le fret ferroviaire –, nos gouvernements successifs n’ont pas su actionner ce levier pour rééquilibrer la concurrence entre la route et le rail. Le texte affectera pour l’essentiel les péages autoroutiers, exception faite de la future taxe sur les poids lourds alsacienne.En ce qui concerne le réseau autoroutier, le Gouvernement écarte pour l’instant l’option des redevances facultatives, liées notamment à la congestion, ainsi que le surpéage pour financer des infrastructures de transport. Mon groupe proposera des amendements pour y remédier.L’article 26 prévoit deux dispositifs permettant de renforcer le principe du pollueur-payeur pour les poids lourds. Si ces mesures sont bienvenues, il est à nouveau regrettable que le Gouvernement n’aille pas assez loin : la modulation et la majoration ne sont applicables qu’aux seuls péages des contrats de concession à venir, et ne concernent pas les contrats en cours. Le Gouvernement choisit donc de différer l’obligation d’intégrer dans les tarifs des péages les coûts environnementaux liés à la pollution. L’argument avancé, selon lequel il faut se garder de bouleverser l’équilibre économique des contrats, ne constitue pas, à notre sens, une justification suffisante. Si ce report est conforme à la directive, il est regrettable au regard de l’urgence climatique, sachant que la plupart des concessions autoroutières arriveront à échéance après 2030. Nous ne saurions attendre une décennie supplémentaire : il est urgent d’activer le report vers le rail et le transport fluvial pour réduire la part du transport routier de marchandises, comme il est urgent de nous concentrer sur l’intermodalité grâce à des plans associant le vélo et le train – dans ce domaine, le texte prévoit de rattraper notre retard sur la moyenne européenne, dont je rappelle qu’elle est comprise entre six et huit emplacements de vélo par train.Comme d’autres, le groupe Écologiste-NUPES s’opposera à l’article 7. Si nous saluons la volonté d’améliorer la transparence des impôts sur les bénéfices acquittés par les entreprises, nous déplorons que le texte ait laissé primer les intérêts des entreprises : il limite les données à divulguer et rend en partie incohérente cette divulgation pour les sommes dues à l’endroit de pays extérieurs à l’Europe – nos collègues du groupe Les Verts/Alliance libre européenne l’ont révélé.Enfin, nous nous abstiendrons concernant l’habilitation à légiférer par ordonnance demandée par le Gouvernement pour transposer la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, dite directive CSRD (). Il s’agit en effet d’une étape importante du Pacte vert pour l’Europe, dans le cadre duquel des choix déterminants devront être effectués. Il est essentiel d’assurer la transposition de cette directive par voie législative.Pour ces raisons, le groupe Écologiste-NUPES ne s’opposera pas à l’adoption du présent projet de loi.


Mme la présidente

La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne

Il y a deux ans, j’ai eu le privilège de rédiger avec Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des affaires étrangères, un rapport d’information sur les méthodes de transposition des directives européennes. Nous y rappelions que depuis le début des années 2000, le Parlement avait examiné pas moins de neuf lois portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne. Pour l’exécutif, le principal avantage de ce type de loi réside dans son examen rapide – si rapide qu’il s’apparente, disions-nous dans notre rapport, à un rituel purement formel de clôture du processus législatif. Regrettant ces voitures-balais législatives, nous demandions de réserver ces projets de loi aux seuls cas d’urgence, en veillant à toujours conserver une cohérence thématique au sein des textes concernés.Ces recommandations n’ont visiblement pas été entendues. Vous nous proposez en effet un nouveau fourre-tout législatif, une espèce d’animal appelé Ddadue – allusion, peut-être, au légendaire dahu ou daru. Dense et très technique, ce projet de loi aborde des sujets d’ampleur variable – comme les pattes du dahu –, de la solvabilité des assurances jusqu’aux aides aux agriculteurs, des opérations transfrontalières des sociétés commerciales jusqu’à l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée des aidants, des règles de publicité pour les centres de chirurgie esthétique jusqu’aux droits à indemnisation des voyageurs ferroviaires – et j’en passe. Une fois encore, le Parlement est cantonné à un rôle de moine copiste, pour reprendre l’expression de l’ancien député Michel Pezet.Nous nous trouvons d’autant plus dépossédés de marge de manœuvre que le texte lui-même renvoie très largement au pouvoir réglementaire, avec sept habilitations à légiférer par ordonnance et la ratification d’une dizaine d’autres. Parmi ces ordonnances, certaines datent de 2015 et attendaient d’être ratifiées depuis sept ans – comme la mule du pape a attendu sept ans de donner un coup de pied ! Ce délai n’est pas respectueux du Parlement, et il met en relief l’abus, désormais institué, du recours à la procédure des ordonnances. Loin de répondre à de quelconques urgences, comme le voudrait une conception rigoureuse de cette procédure, les ordonnances sont devenues un moyen ordinaire, banal, de méconnaître la répartition des compétences normatives entre la loi et le règlement. Nous pourrions juger cet aspect secondaire, si votre projet de loi ne comprenait des dispositions problématiques.Vous pouvez, certes, mettre en avant quelques avancées : les mesures en faveur des personnes en situation de handicap, l’élargissement des congés des proches aidants, ou encore l’obligation d’informer les travailleurs sur les éléments essentiels de la relation de travail. Pas plus que les dispositions relatives à l’indemnité de licenciement des salariés à temps partiel, elles ne suffiront à contrebalancer les mesures de régression sociale que comporte le texte. Je pense au premier chef à celles qui poursuivent la logique de développement des placements financiers de retraite individuelle : cette promotion de la capitalisation intervient alors que votre réforme des retraites profondément régressive poussera toujours plus de personnes, dont les droits diminueront, à souscrire des retraites complémentaires privées. Nous ne saurions évidemment vous suivre dans cette voie.Je pense encore aux mesures qui, comme le soulignait Cathy Apourceau-Poly au Sénat, « caressent les multinationales dans le sens des profits », comme la suppression de l’obligation de publier leurs comptes ou la possibilité laissée aux entreprises sanctionnées pénalement pour des faits graves, de se porter à nouveau candidates à des marchés publics pour peu qu’elles démontrent leur fiabilité.Nous pourrions aussi citer la décentralisation des règles d’attribution des aides à l’installation des jeunes agriculteurs, qui risque d’entraîner une grande disparité territoriale, nuisible à la cohérence de la politique agricole, ou encore l’autorisation de la publicité pour les centres de chirurgie esthétique, qui conforte la dérive vers une marchandisation accrue de la santé au détriment de la protection de la santé des personnes – là encore, j’en passe !Hostiles au principe même de ces lois fourre-tout et de cet animal Ddadue qui marginalisent l’Assemblée pour la transformer en une caricature de chambre d’enregistrement, les députés du groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES ne voteront pas ce texte.


Mme la présidente

La parole est à M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani

Je commencerai par une remarque de forme : le Gouvernement a pris l’habitude de demander au Parlement de légiférer par ordonnance, ce qui est, répétons-le, une façon de déposséder la représentation nationale de sa compétence. Ce constat est particulièrement criant lors de l’examen de projets de loi de transposition et de mise en conformité au droit de l’Union européenne, puisque 10 % de l’ensemble des habilitations portent sur une transposition du droit européen. Un tel fonctionnement institutionnel est souvent justifié par la prétendue lenteur de la navette parlementaire. Pourtant, 10 % des habilitations n’aboutissent à aucune ordonnance, et plus d’un tiers des ordonnances ne sont pas ratifiées par le Parlement. Enfin – sourions –, certaines ordonnances ont été prises sur le fondement de textes européens validés deux législatures plus tôt… Aussi l’amendement déposé en commission des affaires sociales, qui rédige la transposition plutôt que d’accorder une habilitation à légiférer par ordonnance, va-t-il dans le bon sens. Nous invitons le Gouvernement à faire plus d’effort dans ce domaine.J’en viens au fond. Certaines transpositions confortent le droit en vigueur. Nous nous réjouissons que le droit européen montre qu’il peut être un vecteur non seulement d’harmonisation entre les États membres, mais aussi d’approfondissement des droits sociaux. Le texte précise ainsi les modalités du congé des proches aidants et renforce l’information des travailleurs ; il approfondit la coopération européenne en matière de protection de l’enfance, tout comme les obligations de lutter contre les faux médicaments.Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, qui défend une véritable décentralisation, se félicite du transfert des aides à l’installation des agriculteurs aux régions qui en feront la demande.En revanche, certaines dispositions ne nous semblent pas positives. Tout d’abord, le produit paneuropéen d’épargne retraite individuelle s’ajoute aux dispositifs qui existent déjà en France : on peut se demander s’il trouvera vraiment son public, comme on peut s’étonner de l’apparition d’un outil dispositif favorisant la retraite par capitalisation juste avant le débat sur la réforme des retraites.Ensuite, le texte ne saisit pas l’occasion de mieux réglementer l’usage de la blockchain. Le régime pilote de l’article 5 permet de larges aménagements du cadre prudentiel opéré par l’AMF. Le Gouvernement justifie ce contrôle minimal en arguant qu’il améliorera l’attractivité de la place boursière de Paris ; il nous semble pourtant difficile de sacrifier les moyens du contrôle prudentiel, car en cas de crise, c’est toute la solidarité nationale qui sera mise à contribution.La mise en conformité avec la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne nous oblige à réduire la portée d’une disposition pourtant pleine de bon sens : l’interdiction, pour les acteurs économiques condamnés pour des délits graves, de se porter candidats à un marché public. Cette adaptation est regrettable ; il nous reste donc à espérer que l’évaluation de ces entreprises sera véritablement contraignante.En matière de lutte contre le réchauffement climatique, le Gouvernement fait pour le moins preuve de minimalisme. Les nouvelles normes de taxation des poids lourds sur certains tronçons d’autoroute ne seront applicables qu’en 2024 et même, pour certaines, en 2030.Cette solution, qui évite au Gouvernement de déstabiliser l’équilibre des contrats de concession, retarde l’instauration d’une fiscalité environnementale plus poussée. On peut également regretter que les dispositifs optionnels de la directive ne soient pas transposés.Voilà les quelques remarques que je voulais faire sur un projet de loi qui couvre des domaines de compétence très disparates et traite de sujets qui ne sont pas négligeables. Un certain nombre de dispositions vont dans le bon sens, aussi le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires votera-t-il ce projet de loi.Je souligne toutefois qu’il relève, dans son ensemble, d’une approche très technocratique. Où est le souffle citoyen ? Où est l’impulsion à l’union, à l’adhésion démocratique ? Débattre sur la publicité des salons esthétiques est sans doute utile, mais ce n’est pas ainsi que l’on renforcera la volonté de vivre ensemble, d’affronter ensemble un monde incertain et dangereux.Depuis des décennies, nous bâtissons une Europe technique. Même sur ce plan, il reste à établir une convergence fiscale et sociale, indispensable à un fonctionnement équilibré et juste de la concurrence économique. Il faut également prendre en considération la diversité des cultures, des niveaux de développement, ainsi que la situation particulière des régions périphériques et des milieux insulaires. Ainsi, la Corse – je veux quand même le dire – n’est pas considérée pour ce qu’elle est réellement, ni dans sa dimension économique ni – encore moins – dans sa dimension historique.Nous avons donné un corps à l’Union européenne ; et c’est très bien. Reste à lui donner une âme.


Mme la présidente

La parole est à Mme Servane Hugues.

Mme Servane Hugues

Le projet de loi que nous examinons a vocation à intégrer en droit français plusieurs dispositions du droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture.Cet intitulé et ces dispositions très techniques recouvrent des mesures qui auront des effets sensibles sur la vie des citoyennes et des citoyens européens. L’harmonisation de toutes ces politiques publiques en Europe est au service d’une base commune minimale de protection des citoyens européens.Je salue le travail mené en commission des affaires sociales par la rapporteure Laurence Cristol, lequel a notamment abouti à un encadrement plus strict des produits du tabac à chauffer, particulièrement prisés des jeunes et jusqu’à présent soumis à un régime dérogatoire.Je tiens à souligner la place de choix qu’occupe le handicap, d’autant que ce sujet me tient particulièrement à cœur : ce projet de loi comprend des dispositions pour améliorer l’accessibilité des biens et services aux personnes en situation de handicap et s’inscrit dans le cadre de la stratégie relative aux droits des personnes handicapées pour 2021 à 2030.Les quelques mesures que je viens d’évoquer illustrent parfaitement l’Union européenne à laquelle nous aspirons : un espace commun où règnent la justice sociale, l’écologie, la liberté d’échanger et d’entreprendre. Ces aspirations – nous le savons et nous le regrettons – ne sont partagées ni par l’extrême droite ni par l’extrême gauche.

M. Jean-François Coulomme

Oh…

Mme Servane Hugues

Malgré le retrait précipité de leurs amendements en commission des affaires sociales, les députés du Rassemblement national ont envisagé de faire obstacle à l’enrichissement des droits des travailleurs et au renforcement de la protection de la santé des Français. Au nom de quoi, me demandez-vous ? Au nom de leur obsession pour ce qu’ils nomment « souveraineté » et qui n’est en réalité rien d’autre que le reflet de leur euroscepticisme.Vous n’êtes pas en reste, collègues de La France insoumise, vous qui avez fait de la désobéissance à l’Europe votre fonds de commerce !

Mme Marianne Maximi

Vous aussi !

Mme Servane Hugues

Quant à nous, nous revendiquons fièrement notre appartenance à l’Union européenne. La présidence française du Conseil de l’Union européenne en 2022 a été l’occasion pour notre pays de réaffirmer son engagement pour une Europe plus juste. Ces six mois ont permis d’agir, à l’échelon communautaire, pour lutter contre le réchauffement climatique, réguler les géants du numérique, développer la politique de défense et de sécurité, protéger les consommateurs.Ainsi, ce projet de loi n’en est qu’une illustration, le droit de l’Union européenne garantit la protection de nos droits fondamentaux, tant économiques que sociaux ; il garantit également la sauvegarde de notre environnement et de notre agriculture. Nous sommes fiers d’être citoyens de cette Europe qui incarne le progrès, de cette Europe qui incarne notre avenir.Pour toutes ces raisons, le groupe Renaissance votera le texte.


Mme la présidente

La parole est à M. Julien Dive.

M. Julien Dive

Ce projet de loi, plus technique que politique, a pour objet de transposer des directives et des règlements que l’Union européenne a adoptés au cours des trois dernières années. Il met également en conformité des dispositions du droit national avec le droit de l’Union. Ce texte balaye donc des domaines très larges, sans cohérence d’ensemble : industrie, agriculture, transports, droit bancaire, droit des sociétés, droit du travail, handicap, santé publique, encadrement des cryptomonnaies, etc.

M. Fabrice Brun

Un texte fourre-tout, quoi !

M. Julien Dive

C’est la raison pour laquelle pas moins de quatre commissions en ont été saisies. Du reste, je peine à comprendre pourquoi un tel projet de loi n’a pas été examiné par une commission spéciale comme c’est l’usage.

M. Fabrice Brun

Il a raison !

M. Julien Dive

En préambule, nous déplorons le retard pris par le Gouvernement pour transposer des directives ou pour adapter notre droit à celui de l’Union européenne. Cela le conduit maintenant à demander des habilitations et à exiger du Parlement une première lecture dans des délais extrêmement contraints.Il serait trop long de s’attarder sur chacun des champs de ce projet de loi. Je me concentrerai donc sur quelques articles et sur plusieurs points au sujet desquels il faut être vigilants.Concernant le handicap, l’article 12 vise à autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires à la transposition de la directive du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services. À ce titre, je tiens à rappeler l’avancée majeure qu’a représentée la loi du 11 février 2005 voulue par Jacques Chirac, qui a posé les premiers jalons de cette exigence d’accessibilité.

M. Fabrice Brun

Merci !

M. Julien Dive

Il faut désormais aller plus loin. À cet égard, le recours à cette habilitation va dans le bon sens. Compte tenu des retards rencontrés dans l’application des mesures d’accessibilité physique, nous devrons être attentifs au calendrier de la mise en œuvre de ces nouvelles obligations par les opérateurs économiques. Il faut améliorer rapidement l’accès aux gares, aux stations et aux quais de métro.Les articles 15 et 16 ont pour objet d’adapter le droit du travail à la directive du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne. Cette directive impose aux employeurs d’informer les salariés sur les éléments principaux de la relation de travail en leur transmettant quinze types d’information dans un délai de sept à trente jours.La précision de la directive européenne ne laisse presque aucune marge de manœuvre au législateur pour transposer ses exigences dans le droit national. Elle prévoit que l’employeur remette au salarié un ou plusieurs documents établis par écrit précisant les informations principales relatives à la relation de travail.Attention, il s’agit de démarches supplémentaires imposées aux employeurs, mais je crains qu’elles soient à nouveau complexes et chronophages. Il conviendra donc d’accompagner les entreprises, notamment les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME) dans l’application de ces obligations au moyen de l’élaboration de documents types à remettre aux salariés.

M. Fabrice Brun

Vive la technocrature !

M. Julien Dive

Concernant l’agriculture, avant de conclure sur les articles 30 et 31, j’ouvre une parenthèse pour revenir sur la récente décision de la Cour de justice de l’Union européenne à propos des dérogations autorisées sur l’utilisation des néonicotinoïdes pour la culture de la betterave sucrière : 24 000 planteurs sont concernés dans les régions des Hauts-de-France, Centre-Val de Loire, Normandie, Île-de-France et Grand Est. Avec eux, ce sont des milliers d’emplois de l’industrie agroalimentaire qui pourraient être mis en péril dans les prochaines années.

M. Stéphane Travert

Très bien !

M. Julien Dive

Les dispositions, les arrêtés, les décisions de justice prises à l’échelle européenne engagent aussi la responsabilité du Gouvernement pour qu’il n’y ait aucune distorsion de concurrence au sein de l’Union et pour que nous puissions sauver notre souveraineté alimentaire et notre souveraineté industrielle – fin de la parenthèse.

M. Fabrice Brun

Parenthèse utile !

M. Julien Dive

L’article 30 vise à installer des jeunes agriculteurs. Je tiens à saluer le travail des sénateurs Les Républicains qui ont fait adopter une condition minimale de formation pour prétendre aux aides à l’installation. Le renouvellement des générations et l’installation de jeunes exploitants en agriculture sont de véritables enjeux sur lesquels nous aurons à débattre dans quelques mois, lors de l’examen du projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles.Confier aux régions la gestion des aides du Feader à l’installation de jeunes agriculteurs était effectivement la bonne mesure à appliquer afin de répondre concrètement à l’avenir agricole de notre nation.L’article 31 prévoit la ratification de huit ordonnances ayant pour principal objet l’adaptation technique du code rural et de la pêche maritime sur divers règlements européens. Les députés Les Républicains déplorent leur examen trop tardif.En effet, nous appelons le Gouvernement à inscrire les projets de loi de ratification à l’ordre du jour dans des délais plus raisonnables pour la lisibilité du débat et par respect des parlementaires. L’examen de certaines dispositions intervient à contretemps. Le véritable débat au sein du Parlement européen a parfois eu lieu depuis plus de dix ans. Nous émettons donc des réserves sur la forme comme sur le fond.Pour terminer, je salue la vigilance des sénateurs qui ont voté des ajustements utiles en évitant le risque de surtransposition ou en rédigeant parfois le périmètre d’habilitation des ordonnances.Il s’agit d’avancées, de garde-fous bienvenus. Malgré nos réserves sur plusieurs articles, voire sur le principe même des ordonnances, les députés Les Républicains voteront donc le projet de loi.

M. Fabrice Brun

Excellent !


Mme la présidente

La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard

Fourre-tout et technique – ce sont les qualificatifs qui viennent immédiatement à la lecture de ce projet de loi dont les trente-et-un articles traitent de sujets extrêmement divers : retraite, handicap, responsabilité automobile, impôt sur le revenu des sociétés, adaptation du régime des fusions et scissions transfrontalières, droit au congé de proche aidant, conditions de travail, distribution des denrées alimentaires, taxation environnementale des poids lourds aux péages, agriculture – et j’en passe.Des sujets techniques captés par les mains habiles du Gouvernement qui choisit, une fois encore, de légiférer par voie d’ordonnance – une mauvaise habitude à l’égard de notre représentation nationale. Pour nous faire accepter cette énième mauvaise manière, on nous explique que les navettes parlementaires sont trop longues et qu’elles entraveraient l’application rapide et efficace de certaines mesures indispensables à notre mise en conformité au droit de l’Union européenne. C’est une pirouette amusante quand on sait que certaines ordonnances ont été prises sur le fondement de textes européens validés il y a deux quinquennats.Dès lors, on ne peut que regretter que le Gouvernement, grand et fervent défenseur d’une démocratie renouvelée et participative, ne commence pas par respecter le Parlement en choisissant de rédiger directement les mesures de la dizaine d’ordonnances que l’on nous demande aujourd’hui de ratifier.Je pense par exemple à l’article 4 relatif à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs. Ce sujet aurait pu, ou plutôt aurait dû, ouvrir le débat sur d’autres questions, comme celle de la responsabilité pénale en cas d’accident de la circulation. Ces dernières années, la demande des associations s’est faite de plus en plus pressante pour que les victimes d’accidents de la route et leurs familles soient mieux indemnisées, notamment par la création d’un nouveau délit, celui d’homicide routier. Cela aurait aussi pu être l’occasion de réfléchir à une nouvelle façon de faire de la prévention. En somme, il aurait fallu penser de façon globale, avoir une vision, et même un horizon pour réduire efficacement le nombre d’accidents de la route qui tuent et laissent aux proches un réel sentiment d’impuissance et d’abandon.Je déplore également le manque de temps qui nous est accordé pour amender un tel projet de loi, qui concerne pourtant des sujets cruciaux tels que l’agriculture. L’article 30 transfère en effet à FranceAgriMer la compétence réglementaire nécessaire pour la gestion du Fonds européen agricole de garantie (Feaga) pour certaines filières agricoles, soit environ 420 millions d’euros. Avec cet article, les régions qui le souhaitent pourront devenir les autorités responsables des aides à l’installation des agriculteurs comprises dans la nouvelle PAC, ce qui constitue une forme de décentralisation. Si tel est vraiment le cas, je la salue, même si elle n’est pas sans risque. Le Sénat a en effet déjà souligné une éventuelle perte de lisibilité des aides d’une région à l’autre, le danger, bien réel, d’un accroissement des disparités entre celles-ci, ainsi qu’un manque de transparence qui n’arrangera en rien le monde agricole.Par ailleurs, on peut se demander s’il est pertinent de conditionner ces aides à une formation minimale. C’est une vraie question puisque, comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur Stéphane Travert, d’ici à 2030, un agriculteur sur deux sera parti à la retraite : est-il dès lors pertinent de compliquer l’accès à de nouvelles aides ? Rien n’est moins sûr.

M. Stéphane Travert

Justement, la formation est nécessaire.

Mme Emmanuelle Ménard

À l’évidence, quelques mesures constituent néanmoins des avancées, notamment celles qui touchent les salariés des particuliers employeurs, le congé de proche aidant et le congé de solidarité familiale.Quoi qu’il en soit et de façon plus générale, ce projet de loi dit quelque chose de la tendance législative que nous connaissons, marquée par une dynamique de montée en puissance du droit de l’Union européenne par rapport à notre droit national. Le droit venu de Bruxelles s’immisce peu à peu dans tous les aspects de notre vie pour – nous dit-on – harmoniser, faciliter, fluidifier les rapports entre États membres. Une idée séduisante, mais jusqu’à un certain point seulement. J’ai déjà eu l’occasion de le dire à la tribune : si je me sens profondément européenne, je ne crois pas en une Europe faite par des bureaucrates éloignés des réalités de notre pays. C’est malheureusement l’impression que dégage le projet de loi – et ce n’est pas très rassurant.


 

 

Mme la présidente

La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton

Madame la Première ministre, jamais la natalité française n’a été aussi basse depuis 1946 avec 723 000 naissances en 2022.C’est le chiffre le plus bas depuis soixante-quinze ans.Le pic de 800 000 naissances enregistré entre 2006 et 2012 paraît bien lointain. Autre chiffre inquiétant, le taux de fécondité, qui mesure la moyenne du nombre d’enfants par femme est tombé à 1,8, nous plaçant bien loin du taux de 2,1, qui permet de stabiliser la population.Il manque chaque année 40 à 50 000 naissances pour assurer le renouvellement des générations. Ces chiffres doivent nous alerter, mais ils ne sont pas étonnants. Depuis dix ans, les choix effectués ont délibérément, et par idéologie, rompu avec la politique familiale de notre pays, qui faisait pourtant l’objet d’un consensus politique très large. Depuis dix ans, lors du mandat de François Hollande d’abord, puis lors de celui d’Emmanuel Macron, tout objectif de soutien à la natalité a été systématiquement écarté et les atteintes portées aux allocations familiales, au congé parental et au quotient familial pénalisent tout particulièrement les familles des classes moyennes et défavorisées.Allez-vous réagir face à cette baisse historique de la natalité ? Le soutien à la natalité va-t-il être à nouveau une véritable priorité ?


Mme la présidente

La parole est à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.

M. Pierre Cordier

Et des assistantes maternelles !

M. Jean-Christophe Combe

Comme vous, nous nous inquiétons des statistiques relatives à la natalité dans notre pays.

M. Jean-Pierre Vigier

Alors agissez ! Vous êtes au pouvoir depuis cinq ans !

M. Jean-Christophe Combe

Avec 723 000 naissances, la France connaît son plus bas historique. Toutefois, avec un taux de 1,8 enfant par femme, notre pays reste l’un des plus féconds d’Europe.

M. Grégoire de Fournas

Vous le dites à chaque fois !

M. Jean-Christophe Combe

En tant que ministre des familles, mon rôle est de favoriser le rapprochement de cette fécondité avec le nombre idéal d’enfants souhaité, dit désir d’enfant – d’environ 2,4 par femme dans notre pays. Le différentiel, on le sait, s’explique principalement par les possibilités de conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle.C’est pourquoi, lors de la campagne présidentielle, le Président de la République a promis de créer un service public de la petite enfance afin de favoriser la natalité, et de réduire l’écart entre la fécondité et le désir d’enfant.Dans le cadre du Conseil national de la refondation, j’ai lancé un débat avec les associations d’élus, les associations familiales et la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). Nous allons créer ce service public de la petite enfance et, d’ici à 2030, 200 000 places d’accueil.

M. Sébastien Chenu

Allez, on recommence…

M. Jean-Christophe Combe

Nous allons accompagner les collectivités afin qu’elles développent l’offre. Il s’agit de mieux équilibrer vie familiale et vie professionnelle, de renforcer l’égalité entre les femmes et les hommes et, surtout, de lutter contre les inégalités de destin, dans la continuité de la politique des 1 000 premiers jours, afin d’accompagner les enfants dans leurs trois premières années de vie.


Mme la présidente

La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton

Les collectivités locales ne vous ont pas attendus pour mettre en place des services de la petite enfance ! Ils les gèrent déjà !

M. Pierre Cordier

Très bien !

M. Xavier Breton

Mais vous avez des responsabilités en matière fiscale – avec le plafonnement du quotient familial – et en ce qui concerne le budget des familles.

M. Maxime Minot

Mais oui !

M. Xavier Breton

Il faut rétablir l’universalité des allocations familiales. Il faut imaginer un congé parental en adéquation avec la réalité des familles, et non idéologique ! C’est là où l’on vous attend, et l’on attend que vous preniez vos responsabilités.