Question de Mme Alexandra MARTIN - Harcèlement scolaire

Mme la présidente
La parole est à Mme Alexandra Martin.
Mme Alexandra MartinMonsieur le ministre de l’éducation nationale, le suicide de Lindsay a ému la France entière. Il a démontré, une fois de plus, l’échec de votre politique de prévention contre le harcèlement scolaire et votre manque de considération. Nous pensons à cet instant à Lindsay et aux trois autres victimes de harcèlement scolaire depuis 2021, Dinah, Ambre et Lucas, ainsi qu’à leurs familles.Le harcèlement scolaire est l’un des nombreux symptômes d’une violence sociale grandissante, notamment chez les plus jeunes. Partout, elle doit être combattue avec force. En dépit de l’adoption de la loi visant à combattre le harcèlement scolaire, la tendance ne faiblit pas : trois élèves par classe y sont confrontés. Les répercussions sont colossales : échec scolaire, désocialisation et, pour 61 % d’entre eux, pensées suicidaires.Les harcèlements des quatre jeunes victimes étaient pourtant connus. Les familles se sentent désespérément seules aujourd’hui encore, comme depuis le début de leurs alertes. Le programme de prévention Phare – programme de lutte contre le harcèlement scolaire – se révèle impuissant ; pire, il est absent dans de nombreux établissements. Vous ne reconnaissez donc pas à l’ensemble des élèves de la République le droit d’étudier dans un environnement protégé et de vivre en sécurité.Qui aurait dû les protéger, madame Bergé ? La puissance publique avant tout.Quand responsabiliserez-vous enfin les auteurs de harcèlement et leurs parents, comme je l’appelle de mes vœux en matière de délinquance des mineurs ? Vous avez annoncé que la mesure d’éloignement du harceleur était une solution de dernier recours : la victime subit donc une double peine ! Responsabiliser, c’est faire prendre conscience au harceleur de son délit. C’est à lui qu’il revient de quitter l’établissement, pas à la victime.
M. Patrick HetzelTrès bien !
Mme Alexandra MartinQuand la communauté éducative sera-t-elle formée, pour ne plus considérer le harcèlement scolaire comme une affaire d’enfants ? Quand sommerez-vous les réseaux sociaux d’agir ? Quand prendrez-vous les mesures nécessaires pour garantir le droit inaliénable d’étudier en sécurité ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Pap NdiayeLe harcèlement est un drame – vous avez raison de le souligner, madame la députée –, c’est un drame pour notre école et un drame pour notre pays. Nous devons nous mobiliser pour le combattre. Le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse s’y emploie depuis 2019. Au-delà de l’expérimentation que nous menons dans six académies, le programme Phare – auquel vous avez fait allusion – a été étendu aux écoles et aux collèges de l’ensemble des académies à la rentrée 2022 ; il touchera les lycées à la rentrée 2023. La situation est-elle pour autant satisfaisante, et le programme est-il déployé partout de manière homogène ? La réponse est non. Nous avons encore du chemin à parcourir. Je l’ai dit et je le répète : c’est un travail patient, qui demande de la mobilisation et des moyens.
Mme Émilie BonnivardNous n’avons pas le temps !
M. Pap NdiayeNous faisons de la lutte contre le harcèlement une priorité. Des enquêtes administratives sont en cours, diligentées par l’Inspection générale de l’éducation nationale, du sport et de la recherche ; le cas échéant, elles pourront donner lieu à des sanctions. Des programmes de prévention, de détection et de prise en charge des situations de harcèlement sont par ailleurs déployés, et les personnels y sont formés. Des moyens supplémentaires ont en outre été alloués aux numéros 3018 et 3020, qui recueillent une grande audience. À partir de la rentrée 2023, chaque collège comptera un référent – rémunéré – chargé exclusivement des questions de harcèlement. Notez aussi qu’en application de la loi de 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire, dite loi Balanant, les dépôts de plainte seront systématisés dès que nous aurons connaissance d’un harcèlement avéré ou suspect. J’ai par ailleurs signé le décret qui permettra de déplacer un élève harceleur dans le premier degré, ce qui n’était pas possible jusqu’à présent ; le texte est en cours d’examen par le Conseil d’État. Enfin, les personnels continueront d’être formés, et nous lancerons une mobilisation générale contre le cyberharcèlement.
Question de M. Vincent DESCOEUR - Difficultés de fonctionnement dans les EHPAD

Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Descoeur.
M. Vincent DescoeurMa question s’adresse au ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées. Depuis plusieurs mois, les Ehpad, établissements d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes, sont confrontés à des difficultés de fonctionnement qui les fragilisent et qui menacent leur avenir. Leurs difficultés sont avant tout budgétaires : l’inflation entraîne une hausse de leurs charges fixes – notamment du coût des denrées alimentaires et de l’énergie –, tandis que les dépenses d’hébergement ont progressé bien plus vite que les tarifs d’hébergement et de dépendance. De fait, la situation des maisons de retraite est d’une gravité sans précédent.Au début de l’année, la Fédération hospitalière de France (FHF) a révélé que 39 % des Ehpad publics rencontraient des difficultés de trésorerie, et que 85 % d’entre eux anticipaient un résultat fortement déficitaire à la fin de l’exercice 2022. Fragilisés par la crise sanitaire, qui a mis leur personnel à rude épreuve, ils sont confrontés à des difficultés de recrutement qui les contraignent à recourir à l’intérim, dont le coût excessif grève encore leur budget.Il est urgent d’agir si nous voulons éviter la multiplication des fermetures de lits, ou pire, la fermeture d’établissements qui risquent d’être prochainement en cessation de paiement. Les Ehpad ne peuvent pas attendre encore plusieurs mois la fameuse réforme du grand âge régulièrement annoncée, mais sans cesse reportée.
Mme Christine Pires BeauneC’est le cas depuis Nicolas Sarkozy !
M. Vincent DescoeurQuelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour aider les Ehpad à surmonter cette crise sans précédent, je le répète, et, ce faisant, pour rassurer leurs gestionnaires, leur personnel, les aînés et leurs familles ?
M. Patrick HetzelTrès bien !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.
M. Jean-Christophe CombeVous m’alertez sur la situation dégradée que traversent les établissements d’hébergement de personnes âgées dépendantes depuis quelques mois : sachez que l’État les soutient massivement depuis plusieurs années. Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des crédits qui leur ont été accordés pendant la crise sanitaire, auxquels s’ajoutent la compensation des augmentations liées au Ségur de la santé, ou encore l’augmentation des effectifs d’infirmières de nuit et du temps de présence des médecins coordonnateurs – autant de mesures nécessaires. Dans la période d’inflation actuelle, la situation des Ehpad reste difficile : les difficultés de recrutement les obligent à recourir à l’intérim – vous l’avez souligné –, et le taux d’occupation des établissements est très bas.Nous avons pris des mesures ciblées pour y répondre. Fin 2022, nous avons ainsi accordé 440 millions d’euros de crédits supplémentaires au financement des Ehpad, dont 100 millions sont destinés à couvrir l’inflation. Nous avons par ailleurs étendu le bouclier tarifaire pour le gaz et l’électricité à l’ensemble de ces établissements. Enfin, le financement des Ehpad a crû de 5,1 % dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.J’ai demandé aux directeurs des agences régionales de santé (ARS) de suivre la situation des Ehpad en difficulté. Je m’y suis déjà engagé devant votre assemblée : nous ne laisserons aucun Ehpad fermer. Nous avons doublé – voire triplé, dans certains territoires – les crédits reconductibles. Pourtant, force est de reconnaître que les difficultés subsistent, notamment celles qui concernent la section hébergement, dont le financement relève des départements. Je suis en lien constant avec ces derniers pour trouver des solutions qui permettront d’améliorer le financement des Ehpad. J’ai saisi mes différentes administrations pour former un groupe de travail sur l’évolution du modèle économique de ces établissements, auquel les départements prendront part. En effet, je suis convaincu que seule une réforme structurelle permettra de leur apporter les fonds nécessaires et de maintenir l’accessibilité de l’offre – ce dernier point est important, car l’aide sociale à l’hébergement est sous-financée.
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Descoeur.
M. Vincent DescoeurJe suis au regret de vous dire que votre réponse n’est pas à la hauteur des enjeux.
M. Pierre CordierExactement !
M. Vincent DescoeurNous devons de l’attention à nos aînés et de la reconnaissance aux personnels qui les entourent. La solidarité entre les générations n’est pas une option mais un devoir.
M. Pierre CordierBravo !
Question de M. Olivier MARLEIX - Politique du logement

Mme la présidente
La parole est à M. Olivier Marleix.
M. Olivier MarleixLe logement est en crise. Tous les indicateurs le montrent : on construit aujourd’hui 100 000 logements de moins qu’il y a quinze ans, les ventes de maisons individuelles ont chuté de 30 % en un an et les faillites de promoteurs, de constructeurs individuels et d’agences immobilières ont explosé avec une augmentation de 83 %. Aujourd’hui, 150 000 emplois sont menacés dans cette filière.Les causes de cette crise sont parfaitement identifiées : hausse des prix de la construction, causée par la guerre en Ukraine ; renchérissement des projets, causé par les normes ; insuffisance de la disponibilité du foncier, causée par la politique du zéro artificialisation nette ; hausse des taux d’intérêt se traduisant par une situation dans laquelle de plus en plus de nos compatriotes, ne trouvant à emprunter qu’à un taux moyen de 4,5 % sur vingt ans, se voient opposer des refus de prêt par les banques et se trouvent donc exclus de l’achat immobilier.Depuis 2017, on constate que le logement n’intéresse pas beaucoup le Président de la République.
M. Maxime MinotIl n’y a pas que cela qui ne l’intéresse pas !
M. Jean-Philippe TanguyIl ne fallait pas voter pour lui !
M. Olivier MarleixIl a fait sienne l’idéologie qui veut que l’on construit trop en France et qui demande aux Français de renoncer à leur rêve de la maison individuelle, mais la crise est là : pénurie de logements, destruction d’emplois et baisse du pouvoir d’achat. Allez-vous répondre au cri d’alarme que vous ont adressé les professionnels de la filière ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth BorneNous partageons le constat de l’insuffisance ou de l’inadaptation dans certains territoires de l’offre de logements. Cela peut bloquer nos compatriotes dans leurs projets de mobilité et agir comme frein à l’emploi, particulièrement dans les zones en forte tension comme les métropoles.
M. Pierre CordierCela fait six ans que vous le dites !
Mme Élisabeth BorneCette situation est liée à des enjeux structurels, dont les causes sont multiples – je pense notamment à la baisse du nombre de permis de construire délivrés ou à la hausse des prix du foncier. S’y ajoutent des causes conjoncturelles, telle que la hausse rapide des taux d’intérêt, qui freine la demande de logements ainsi que les transactions immobilières dans l’ancien, et grippe l’accès au marché locatif.
M. Éric CiottiCertes, mais que faites-vous ?
Mme Élisabeth BorneNous sommes bien conscients des difficultés actuelles et le Gouvernement est pleinement mobilisé pour agir avec tous les acteurs concernés.
M. Philippe GosselinComment ?
Mme Élisabeth BorneNous avons déjà annoncé les premières mesures prises pour répondre à ces difficultés : assouplissement de certaines règles d’accès au crédit immobilier ou encore rachat de 17 000 logements par la Caisse des dépôts.Nous devons également agir pour relever le défi de la transition écologique, notamment par une politique ambitieuse de rénovation énergétique lancée lors du précédent quinquennat.Avec tous les acteurs et avec les élus locaux, nous voulons aller bien plus loin. Des mesures complémentaires seront présentées la semaine prochaine, lors de la restitution des travaux du Conseil national de la refondation consacré au logement, qui ont mobilisé tous les acteurs impliqués. Je participerai personnellement à cette réunion, qui sera l’occasion d’apporter des réponses. Nous sommes à l’écoute de toutes les bonnes propositions.
Mme la présidente
La parole est à M. Olivier Marleix.
M. Olivier MarleixJe ne suis pas sûr, à l’écoute de votre réponse, que vous soyez totalement consciente de l’urgence.
M. Maxime MinotElle est hors sol !
M. Olivier MarleixSi vous n’avez pas de solution, permettez que les députés du groupe Les Républicains, une fois de plus, vous en proposent : libérer du foncier – il faut assouplir les règles, c’est l’urgence – et faciliter le recours à l’emprunt pour les Français, en élargissant le prêt à taux zéro ou en rétablissant la déduction des intérêts d’emprunt, ainsi que l’avait décidé la droite lorsqu’elle était au pouvoir.
Question de Mme Marie-Christine DALLOZ - Triple meurtre à Dreux

Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme Marie-Christine DallozJeudi dernier, dans la circonscription du président Marleix, les corps d’une femme et de ses deux enfants ont été retrouvés sans vie à leur domicile, tués de multiples coups de couteau. Pourtant, cette femme s’était présentée la veille au commissariat de police. Dans la matinée de lundi, le procureur de la République de Chartres a annoncé la mise en détention provisoire de l’ex-conjoint de la victime, à cette heure présumé coupable de ce triple homicide.
M. Sylvain MaillardPrésumé innocent…
Mme Marie-Christine DallozCet homme avait déjà été condamné à un an d’emprisonnement en septembre 2021, pour des faits de violence envers sa femme et sa fille, et il était en période de probation. Comment la plainte de son épouse n’a-t-elle pas donné l’alerte ? Les hommages se sont multipliés tout le week-end, mais les mots ne suffisent plus : 36 féminicides par conjoints ou ex-conjoints sont dénombrés depuis le début de l’année en France, contre 24 à la même époque l’an passé. Les chiffres augmentent sans que nous ne soyons capables d’inverser la tendance, alors que le Président Macron avait fait en 2017 de la lutte contre les violences faites aux femmes une grande cause du précédent quinquennat.Ce drame sordide a décimé une famille et pose la question récurrente de la protection des femmes victimes de violences, et de l’efficacité des politiques publiques. En janvier dernier, le dernier rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes soulignait l’insuffisance de l’action des pouvoirs publics. Monsieur le ministre, l’histoire se répète dramatiquement. Les effets d’annonce ne suffisent plus : écoutez ces femmes et mettez, enfin, en place un arsenal juridique capable de leur offrir la protection que notre République leur doit. Combien de victimes devrons-nous encore déplorer pour que votre action soit enfin efficace ?
Mme la présidente
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-MorettiDe ce que je sais, la plainte déposée la veille concernait un cambriolage. Évitons les amalgames car, entre un cambriolage dénoncé et des violences avérées, la nuance n’aura échappé à personne.
Un députéElle est allée deux fois au commissariat de police !
M. Éric Dupond-MorettiNous avons considérablement progressé dans les mesures de protection.Je vous livre quelques chiffres même si, évidemment, ils sont aussi dérisoires que les mots face à de tels drames. Mais, en 2019, 300 téléphones grave danger étaient déployés ; nous en sommes désormais à 3 500. Grâce aux 2 455 interventions des forces de sécurité intérieure…
M. Pierre CordierVous avez beau les énumérer, ces mesures ne sont pas efficaces…
M. Éric Dupond-Moretti…ce sont 2 455 drames qui ont été évités.Les 1 020 bracelets anti-rapprochement actifs ont entraîné 3 634 interventions des services de police et de gendarmerie. Là encore, ce sont autant de drames évités. Sur ces bracelets, nous sommes allés plus vite que nos amis espagnols.
Mme Caroline ColombierOn s’en fout !
M. Éric Dupond-MorettiNous allons lancer dans les prochains jours un bracelet anti-rapprochement nouvelle génération, doté d’une meilleure couverture réseau et d’une autonomie supérieure. Les ordonnances de protection ont augmenté de 157 % depuis 2016, avec 4 000 ordonnances délivrées par an dans un délai passé de quarante-sept à six jours. Nous travaillons pour obtenir une ordonnance de protection sous vingt-quatre heures. Les condamnations ont augmenté de plus de 100 % depuis 2017 – de 22 000 à 44 000.
M. Emeric SalmonIl faut que les peines soient exécutées.
M. Éric Dupond-MorettiJe tiens à souligner l’excellent travail réalisé par Mmes Chandler, députée, et Vérien, sénatrice. Nous allons en tirer des conséquences dans les jours, les semaines et les mois à venir.
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme Marie-Christine DallozLa victime s’était rendue deux fois au commissariat depuis début mai. Je pense surtout à la peur quotidienne, et terrible, de ces femmes.
M. Éric Dupond-MorettiNous aussi…
Mme Marie-Christine DallozMonsieur le garde des sceaux, il faudrait vraiment faire encore plus.
Question de M. Patrick HETZEL - Plan de lutte contre la fraude sociale

Mme la présidente
La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick HetzelMonsieur le ministre chargé des comptes publics, la Cour des comptes estime le montant de la fraude sociale entre 6 milliards et 8 milliards d’euros par an et considère que la France ne lutte pas assez contre ce fléau.Vous venez précisément d’annoncer ce matin un plan de lutte contre les fraudes sociales. Permettez-moi de m’étonner que vos annonces interviennent plus de trente mois après la reddition du rapport de la commission d’enquête que l’Assemblée nationale a consacrée à cette question. Si vous reprenez quelques-unes des propositions formulées dans ce rapport, je constate toutefois des angles morts importants.Ainsi, vous ne parlez nullement de l’ordonnance dématérialisée, une mesure qui a pourtant déjà permis à l’Espagne d’économiser plus de 1 milliard.Concernant les cartes Vitale, vous annoncez 2,3 millions de cartes désactivées depuis cinq ans. C’est donc bien qu’il y avait un problème ! Or, jusqu’alors, ce problème avait toujours été nié par le Gouvernement. En mai 2023, 58 millions de cartes sont actives, selon la Cour des comptes, pour 55,4 millions de porteurs au maximum, selon l’Insee. Il y a donc encore du travail !Par ailleurs, vous voulez fusionner carte Vitale et carte d’identité. Il est dommage que cela revienne à abandonner la carte Vitale biométrique. Ce qui est très embêtant, c’est qu’il s’agit d’un effet d’annonce : le ministère de l’intérieur, compétent en matière de cartes nationales d’identité, indique qu’il n’a jamais été consulté par vos services. Ma question est donc simple : comment allez-vous faire pour que ce chantier soit réalisé avant la fin du quinquennat ? Nos comptes sociaux ne peuvent plus continuer pendant encore des années à prendre en charge 75 millions d’assurés sociaux pour 68 millions d’habitants !
M. Pierre CordierTrès bien !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Gabriel AttalJe vous remercie pour votre question. Vous connaissez très bien le problème de la fraude sociale, pour l’étudier depuis plusieurs années.J’ai en effet présenté ce matin un plan complet, qui s’attaque à la fraude aux cotisations sociales, aux prestations maladie et aux allocations sociales.
M. Pierre CordierPourquoi avoir attendu six ans pour le faire ?
M. Gabriel AttalPour lutter contre la fraude aux prestations maladie, j’ai annoncé une mesure importante, qui consiste à réfléchir à la fusion de la carte nationale d’identité et de la carte Vitale. Sur ce point, beaucoup a été dit et écrit. Pour faire la lumière sur tout cela, nous avons donc missionné l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) ainsi que l’Inspection générale des finances (IGF), lesquelles nous ont remis un rapport qui a été publié ce matin et que je tiens évidemment à votre disposition.Ce rapport confirme ce que nous disons : depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, nous avons procédé à la désactivation de 2,3 millions de cartes Vitale en surnombre. Ces cartes correspondaient le plus souvent à des doublons, par exemple quand le détenteur, anciennement assuré au régime social des indépendants (RSI), avait rejoint le régime général de l’assurance maladie. Il n’y a donc plus de problème de cartes Vitale surnuméraires : le rapport le confirme, de manière transparente. Pour être très précis, il en reste 942, et nous allons tout faire pour les désactiver.Ensuite, le rapport écarte l’hypothèse de la carte Vitale biométrique pour trois raisons. Premièrement, cela coûterait très cher – 250 millions par an –, même si l’on peut aussi considérer cette dépense comme un investissement. Deuxièmement, la constitutionnalité de la mesure n’est pas certaine, en raison des fuites de données. Troisièmement, sur le plan pratique, les professionnels de santé n’en veulent pas car ils ont, disent-ils, autre chose à faire que recueillir les empreintes digitales des patients. Par ailleurs, si vous êtes malade, cloué au lit et que vous envoyez votre femme ou votre mari chercher des médicaments à la pharmacie, il lui sera difficile de donner vos empreintes digitales à votre place !La piste de la fusion de la carte Vitale et de la carte d’identité est donc celle que retient la mission de l’Igas et de l’IGF. Il n’y a aucun désaccord sur ce point au sein du Gouvernement : nous avons annoncé ce matin, avec Gérald Darmanin et François Braun, que nous lancions une mission de préfiguration pour proposer des scénarios en ce sens.
Mme la présidente
La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick HetzelJe prends note, mais, encore une fois, ce que vous proposez va poser un certain nombre de problèmes ; nous aurons l’occasion d’y revenir. Un autre angle mort nous inquiète : à aucun moment, vous ne mentionnez les fraudes en bande organisée, lesquelles sont devenues un véritable problème auquel vous devriez vous attaquer également.
M. Xavier BretonTrès bien !
Question de M. Yannick NEUDER - Agression mortelle d’une infirmière du CHU de Reims

Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Neuder.
M. Yannick NeuderMa question s’adresse à Mme la Première ministre.Ce matin, un terrible drame a frappé le monde médical de notre pays : une infirmière du CHU de Reims a succombé à ses blessures après avoir été agressée au couteau. Cet homme qui cible nos blouses blanches s’en est également pris à une secrétaire médicale, la laissant dans un état très critique. Je tiens, comme médecin mais aussi comme député, à adresser mes pensées aux proches de cette infirmière et mon soutien à l’ensemble de la communauté médicale à laquelle j’appartiens. La facilité avec laquelle cet individu a pu commettre cet acte, le fait que son suivi psychiatrique ait été suspendu, qu’il ait bénéficié en juin 2022 d’une ordonnance de non-lieu pour irresponsabilité pénale restée sans suite et, surtout, le fait que ce drame ne soit pas le premier dans notre pays, tout cela doit nous alerter sur une forme de tolérance de la part de l’État, qui s’est installée au détriment de la sécurité de nos soignants. On déplore une hausse de 23 % des incidents violents contre les soignants, soit 1 200 incidents en 2022 : un record ! Près de 40 % des professionnels de santé hospitaliers ont subi des agressions physiques. Ils vont au travail avec la boule au ventre.Cet événement tragique pose aussi, malheureusement, la question de la prise en charge psychiatrique.Madame la Première ministre, je vous le demande : quand fournirez-vous une réponse à la hauteur de l’urgence ? Quand financerez-vous un plan d’ampleur pour la psychiatrie et la pédopsychiatrie, grands oubliés de nos politiques de santé ? À quand des moyens massifs pour les structures de soins, de recherche et d’enseignement ? Quand punirons-nous véritablement ceux qui s’en prennent aux agents du service public ?J’ai une proposition : mettez à l’ordre du jour la proposition de loi que j’ai déposée, avec mes collègues Les Républicains, en vue de rétablir les peines planchers pour les individus qui s’en prennent à ceux qui nous soignent et nous protègent. Aucun soignant ne devrait risquer sa vie à protéger celle des autres.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. François BraunJe m’associe au soutien que vous témoignez, non seulement à l’ensemble de la communauté médicale, mais à l’ensemble des soignants, qu’ils exercent à l’hôpital ou en libéral.Comme je l’ai dit, le nombre d’agressions ne cesse d’augmenter. Celles-ci sont souvent qualifiées de petites agressions ou simplement d’incivilités, ce qui est totalement insupportable. Une action forte sera de faire reconnaître aux soignants ces incivilités et ces agressions, de les dénoncer, de ne plus les accepter. Trop souvent, on accepte dans son exercice professionnel de se faire injurier pour une raison pour une autre ; cela doit rester totalement inacceptable.L’individu responsable de cette agression a été interpellé très rapidement. Il tenait des propos curieux, semble-t-il ; c’est une personne aux lourds antécédents psychiatriques. Comme je le disais tout à l’heure, nous sommes au temps du recueillement. L’enquête diligentée par le procureur de la République pour déterminer les circonstances globales et la volonté de la personne derrière cet acte est en cours ; laissons-la se poursuivre.Quant à notre psychiatrie, cela fait des mois et des années qu’elle est en difficulté, comme les urgences, les maternités et notre système de santé dans son ensemble ; nous le savons. À la suite des assises de la santé mentale et de la psychiatrie, qui se sont tenues en 2021, nous avons mis en œuvre plusieurs solutions, notamment les maisons des adolescents et le dispositif MonParcoursPsy, qui a permis de proposer plus de 300 000 consultations à des personnes qui se trouvaient dans des situations très difficiles.Nous aurons à continuer dans cette voie, bien entendu, en poursuivant le déploiement de ce plan pour la psychiatrie, en recrutant des professionnels mais aussi en travaillant sur le partage de compétences ; en effet, je le répète, ce n’est pas en claquant des doigts que nous aurons plus de médecins demain. Il faudra attendre dix ans et le partage des compétences, avec des infirmières spécialisées en psychiatrie, est une des solutions que nous appliquons.
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Neuder.
M. Yannick NeuderMerci, monsieur le ministre, pour votre réponse médicale, mais la question est surtout pénale ! J’aurais donc souhaité que le garde des sceaux puisse s’exprimer…
M. Maxime MinotIl s’en moque !
M. Yannick Neuder…quant au dogmatisme qui a cours vis-à-vis des peines planchers.
M. Patrick HetzelTrès bien ! Il a raison !