Mme la présidente

La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard

Madame la Première ministre, depuis des mois, nous sonnons l’alarme : la construction et la vente de logements s’effondrent. Il y a quinze ans, nous construisions 100 000 logements de plus par an qu’aujourd’hui. L’augmentation des coûts de construction, le poids des normes, la raréfaction du foncier et, bien sûr, la hausse des taux d’intérêt empêchent de nombreux ménages d’acheter un bien. C’est pourtant l’espoir légitime de beaucoup. Cette crise intervient alors que le stock de logements est déjà très insuffisant. Il est urgent d’en relancer la construction et d’en faciliter l’accès.Or vous faites exactement l’inverse, par exemple en excluant, dès 2025, les logements classés G du marché locatif, avant que cette mesure ne concerne également ceux classés F et E, ce qui représentera, à terme, 40 % du marché locatif privé. Le ministre de l’économie et des finances a osé dire qu’il voulait différer l’entrée en vigueur de cette mesure, qui est totalement irrationnelle en pleine crise : il avait raison, mais il a dû rentrer dans le rang dès le lendemain.

M. Éric Ciotti

Eh oui !

Mme Annie Genevard

Depuis 2017, quelle mesure positive avez-vous prise pour encourager la construction de logements ?

M. Pierre Cordier

Aucune !

Mme Annie Genevard

Madame la Première ministre, une fois n’est pas coutume, écoutez les Républicains ! Ne touchez pas au prêt à taux zéro (PTZ). Défiscalisez les intérêts pour permettre aux Français d’emprunter et d’accéder à la propriété. Facilitez les donations pour permettre aux jeunes générations d’acquérir plus vite et plus facilement leur résidence principale. Les Français qui ne peuvent plus se loger sont en colère. Les entreprises du bâtiment sont aux abois. Que comptez-vous faire pour désamorcer ce qui s’annonce déjà comme une véritable bombe sociale ?

M. Maxime Minot

Très bien !


Mme la présidente

La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu

Ce matin même, j’étais présent à l’ouverture du 83 congrès de l’Union sociale pour l’habitat (USH),…

M. Benjamin Lucas

Vous avez été accueilli chaleureusement !

M. Christophe Béchu

…événement auquel participera également Patrice Vergriete dans quarante-huit heures, afin de répondre à la famille du logement dans son ensemble.

M. Pierre Cordier

Il va se faire huer !

M. Christophe Béchu

Le Gouvernement s’est exprimé sur la crise du logement que vous avez décrite et contrairement à ce que vous avez dit, plusieurs mesures ont déjà été prises : je pense au plafonnement à 3 % du taux du livret A, au plan de rachat de 47 000 logements par l’intermédiaire de la Caisse des dépôts et d’Action logement, à la relance – justement – des PTZ, et à d’autres mesures encore que je n’énumérerai pas à ce stade, car d’autres questions porteront sur ce sujet au cours de cette séance.

M. Pierre-Henri Dumont

Comment le savez-vous ?

M. Christophe Béchu

Vous avez plus particulièrement évoqué la question des passoires énergétiques et de la potentielle sortie du parc locatif d’une partie des logements. Je me réjouis de cette occasion qui m’est donnée de rappeler certains éléments. Aucun texte ne prévoit que des locataires seront sortis de leur logement à compter d’une certaine date. Seule une obligation de travaux, assortie d’une date butoir, est prévue par la loi pour certains logements. Et c’est seulement à la fin du bail en cours, lors du départ des locataires et avant d’en accueillir de nouveaux, qu’ils devront nécessairement être effectués si ce n’est pas déjà le cas.Je ne veux pas croire que vous plaidiez sincèrement en faveur des propriétaires qui pourraient avoir des difficultés pour réaliser des travaux sans braquer les projecteurs avec la même intensité sur les locataires qui ont du mal à payer leurs factures, car ils vivent dans une passoire énergétique. Une simplification des diagnostics de performance énergétique (DPE) est à mener, tout comme un bilan des logements classés G+, mais laisser penser que c’est en minorant nos ambitions climatiques que nous accélérerons la sortie de la crise du logement revient à tromper doublement les Français.


Mme la présidente

La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard

Parlons de MaPrimeRénov’, monsieur le ministre , celle-là même qui est censée faciliter l’amélioration de la performance énergétique des logements. C’est un bazar innommable !

M. Maxime Minot

Eh oui !

M. Fabien Di Filippo

Elle a raison !

Mme Annie Genevard

Pas une semaine ne se passe sans que nous ne soyons interpellés dans nos permanences sur ses dysfonctionnements.

Mme la présidente

Merci, madame Genevard. Votre temps est écoulé.


 

Mme la présidente

La parole est à M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri

Madame la Première ministre, avec mes collègues du groupe Les Républicains, je souhaite appeler votre attention sur la révision d’un texte européen relatif aux émissions industrielles – la directive du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles ou (IED).À l’heure où la France est engagée dans la phrase des trilogues, quelle position sera défendue par les ministres français ? Cette révision, qui vise à faire entrer les élevages bovins dans le champ d’une directive relative aux émissions industrielles alors qu’ils en étaient jusqu’alors exclus, représente un véritable danger pour nos élevages et nos territoires. Les éleveurs de bovins, notamment les éleveurs laitiers du département de la Loire, sont déjà soumis à l’application de trois directives concernant le traitement de leurs émissions. Les exploitations laitières françaises subissent des contraintes économiques et administratives lourdes. À l’heure où la filière bovine est confrontée à un enjeu d’attractivité et de renouvellement des générations, il est indispensable de la protéger en maintenant son exclusion de cette directive.Si la révision de la directive IED était confirmée, le surcoût pour une exploitation laitière d’une centaine de vaches oscillerait entre 20 000 et 27 000 euros ; il serait intenable et inacceptable pour les éleveurs ! Madame la Première ministre, allez-vous écouter ces derniers ? Vos ministres respecteront-ils le vote des eurodéputés, qui ont largement rejeté l’entrée des bovins dans le champ de la directive en juillet dernier ?

Plusieurs députés du groupe LR

Très bien !


Mme la présidente

La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’Europe.

Mme Laurence Boone

Je veux vous rassurer : la France connaît les difficultés des éleveurs. Je suis moi-même allée en Haute-Savoie avec les députés Antoine Armand et Véronique Riotton. Non seulement j’ai constaté à quel point l’élevage bovin est important, mais j’ai également entendu les demandes des éleveurs au sujet de la réglementation européenne.Je veux vous rassurer : la France a agi dès que cette directive a été proposée par la Commission, afin de modifier les seuils qui s’appliqueraient aux bovins. Nous avons pour objectif qu’ils ne s’appliquent ni aux exploitations comptant moins de 350 unités de gros bétail (UGB) ni aux exploitations extensives. Nous continuerons de nous battre pour maintenir cette position dans le cadre du trilogue.

M. Jean-Philippe Tanguy

Quelle technocratie pourrie !

Mme Laurence Boone

Nous voulons absolument trouver le bon équilibre pour les agriculteurs entre la préservation de la qualité de notre élevage et celle des objectifs climatiques. Enfin, nous sommes attachés depuis longtemps à l’instauration de clauses miroirs…

M. Grégoire de Fournas

Parlez français !

Mme Laurence Boone

…visant à s’assurer que le bœuf entrant sur le territoire européen satisfait aux mêmes exigences que le bœuf européen.

M. Jean-Philippe Tanguy et M. Grégoire de Fournas

Ça ne marche pas !


Mme la présidente

La parole est à M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri

Je ne suis pas convaincu par vos propos.

M. Grégoire de Fournas

Nous non plus !

M. Dino Cinieri

Nous serons vigilants au cours des prochaines semaines. Comme les éleveurs, nous n’attendons pas de belles paroles, mais des actes. Je solliciterai une rencontre auprès du ministre de l’agriculture, de manière à aller plus loin que ces propositions.

M. Maxime Minot

Très bien !


 

Mme la présidente

La parole est à Mme Alexandra Martin (Alpes-Maritimes).

Mme Alexandra Martin (Alpes-Maritimes)

Monsieur le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, depuis votre nomination, vous avez fait preuve d’une volonté certaine de combattre le fléau sociétal qu’est le harcèlement scolaire. Il est vrai que la France accuse un très grand retard dans ce domaine, contrairement à de nombreux pays européens.Vos annonces – je défends certaines de vos propositions depuis longtemps – devront être déclinées rapidement en actions concrètes, en espérant qu’il ne s’agisse pas encore d’un effet de communication. Au sein des Républicains, nous avons créé un groupe de travail consacré à la lutte contre le harcèlement scolaire, que je coanime avec ma collègue Michèle Tabarot. Nous serons donc très vigilantes sur l’application des propositions que vous avez formulées. Par la voix de ma collègue Christelle D’Intorni, nous avons également demandé la création d’une commission d’enquête relative à cette question.Pour être efficace, la lutte contre le harcèlement scolaire doit être appréhendée dans toutes ses dimensions et dans le temps long. Nous connaissons votre intérêt pour les cours d’empathie, inspirés de la méthode danoise. Je veux citer un autre modèle, celui de la Suède, pays où les cours d’empathie ne permettent pas, à eux seuls, de résoudre le problème. Leur manière de concevoir l’éducation des enfants de façon positive, motivante et bienveillante y contribue également.Si nous sommes biologiquement programmés pour faire preuve d’empathie, celle-ci doit pouvoir se développer et s’entretenir tout au long du parcours éducatif, mais également au sein de la famille. Pour ce faire, il est absolument nécessaire de soutenir et d’accompagner les établissements qui sont souvent sans ressources et doivent pallier la pénurie de psychologues, d’infirmières, de surveillants. Nous devons aussi leur permettre d’élaborer un plan de lutte adapté à leurs enjeux et à leurs spécificités, ainsi qu’à ceux du territoire, en associant les parents.Un véritable changement de paradigme, que nous appelons de nos vœux au sein des Républicains, ne doit-il pas être entrepris ? Ce changement systémique et culturel permettrait également de juguler les violences auxquelles se livrent les jeunes dans la rue et sur les réseaux sociaux, lesquelles progressent, mais aussi, tout simplement, d’apprendre le civisme aux adultes de demain.


Mme la présidente

La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Gabriel Attal

D’abord, je vous remercie. Je crois au dialogue et à la capacité d’avancer collectivement et largement. S’il est un sujet sur lequel nous pouvons progresser en dépassant les clivages politiques, c’est la lutte contre le harcèlement. Pour élaborer le plan que la Première ministre a présenté, j’ai réuni des représentants de chaque groupe parlementaire : vous-même pour le groupe LR – je vous en remercie –, Mme Descamps pour le groupe LIOT, M. Balanant pour le groupe Dem, Mme Carel pour le groupe HOR, M. Marion pour le groupe RE, Mme Keloua Hachi pour le groupe SOC, Mme Pasquini pour le groupe Écolo-NUPES, Mme Bourouaha pour le groupe GDR-NUPES, M. Corbière pour le groupe LFI-NUPES et M. Chudeau pour le groupe RN. Je veux remercier la représentation nationale de s’emparer collectivement de ce sujet.Nous avons besoin d’une mobilisation qui dépasse l’hémicycle et l’enceinte de l’école, d’un sursaut collectif de la société. J’ai parlé d’un électrochoc, qui a conduit à la libération de la parole. Au mois de septembre 2023, les signalements de harcèlement ont été multipliés par trois par rapport au mois de septembre 2022. Désormais, notre responsabilité est de pouvoir y répondre. Vous avez raison d’être vigilante sur la déclinaison du plan que nous avons annoncé. Davantage de jeunes parlent, car ils ont l’espoir que nous les entendions et que nous agissions. Oui, nous agirons.Développer dès les premières classes une éducation bienveillante, empreinte d’empathie, est un véritable changement de paradigme en matière de prévention – je vous rejoins. Revenons à Rabaut Saint-Étienne qui disait que « l’instruction publique éclaire et exerce l’esprit ; l’éducation nationale doit former le cœur […] ». Nous ne devons jamais perdre de vue que la responsabilité de l’école est d’appliquer un tel principe.Le changement de paradigme doit également conduire à ce que la peur change de camp, je l’assume totalement. Par ce plan, nous indiquons aux harceleurs qui empoisonnent la vie de centaines de millions d’élèves que nous ne laisserons rien passer et que nous serons intraitables en matière de sanctions. Il importe que nous le réaffirmions tous ensemble.


 

Mme la présidente

La parole est à M. Vincent Descoeur.

M. Vincent Descoeur

Ma question s’adresse à madame la Première ministre.Une fois encore les prix des carburants flambent à la pompe et mettent à mal le pouvoir d’achat des Français dans un contexte d’inflation persistante.

M. Raphaël Schellenberger

Eh oui !

M. Vincent Descoeur

Ils atteignent des niveaux records : 2 euros le litre, parfois même 2,10 euros ou plus dans les stations-services de départements ruraux tels que le Cantal, dont je suis élu.

M. Fabrice Brun

Et en Ardèche !

M. Vincent Descoeur

Face à cette nouvelle crise, la cacophonie a gagné le sommet de l’État. Après avoir rejeté dans un premier temps toute idée d’intervention, vous avez lancé un appel désespéré à la générosité des gros distributeurs :…

M. Julien Dive

Des amateurs !

M. Vincent Descoeur

…une proposition de vente à perte manifestement improvisée qui s’est heurtée à un refus catégorique.

M. Maxime Minot

Amateurisme !

M. Vincent Descoeur

Ce camouflet se double maintenant d’un désaveu avec la dernière proposition du Président de la République : le retour d’un chèque carburant. Vous connaissez notre opposition à ce dispositif, source d’inégalités, qui n’a concerné qu’un peu plus de quatre millions de foyers, ce qui est bien peu au regard des quarante millions d’automobilistes.

M. Fabrice Brun

Il a raison !

M. Vincent Descoeur

Les parents qui conduisent leurs enfants à l’école, les retraités, les bénévoles, les artisans, les petites entreprises et les professions libérales, comme les infirmières, qui seront exclus de ce dispositif, ,…

M. Marc Le Fur

Eh oui !

M. Vincent Descoeur

…n’ont pas l’impression d’effectuer des « déplacements de confort » – pour reprendre l’expression du Président de la République.Le président du groupe Les Républicains, Olivier Marleix, vous a demandé d’organiser une conférence sur les prix de l’énergie – le pétrole, bien sûr, mais aussi le gaz et l’électricité –, proposition à laquelle vous sembliez souscrire, madame la Première ministre.

M. Patrick Hetzel

Nous sommes toujours en attente d’une réponse !

M. Vincent Descoeur

Comptez-vous accéder à sa demande ? Par ailleurs, pour répondre à cette crise d’une ampleur inédite, allez-vous enfin revoir la fiscalité des carburants et décider une baisse des taxes, celles-ci représentant plus de la moitié du prix à la pompe ?

M. Fabrice Brun

Rendez l’argent !

M. Vincent Descoeur

Rappelons qu’en son temps, votre prédécesseur Édouard Philippe s’était empressé d’augmenter ces taxes, avec les conséquences sociales que nous avons tous en mémoire.

M. Julien Dive

Quelle honte !


Mme la présidente

La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Bruno Le Maire

Nous connaissons les propositions du groupe Les Républicains sur les carburants : soit baisser la TVA, ce qui représenterait un coût de 10 milliards d’euros par an ; soit appliquer une remise à la pompe – c’est la proposition de Xavier Bertrand, qui se traduirait par un coût de 12 milliards par an.

M. Éric Ciotti

Ce n’est pas ça !

M. Bruno Le Maire

Vous ne pouvez pas réclamer le rétablissement des finances publiques et une réduction de la dette et nous demander en même temps d’engager 10 milliards d’euros de dépenses supplémentaires pour une énergie que nous ne produisons pas ! Pourquoi les taxes sont-elles élevées ? Parce que la politique menée en France depuis toujours a été de taxer lourdement une énergie que nous ne produisons pas pour financer une énergie que nous produisons, l’énergie nucléaire. Eh bien nous conserverons cette politique !

M. Raphaël Schellenberger

Un vrai socialiste : il veut plus de taxes !

M. Francis Dubois

Dépensez moins au lieu d’étrangler les Français !

M. Bruno Le Maire

Baisser les taxes sur les carburants constituerait une triple aberration :…

M. Patrick Hetzel

On parle de non-recettes !

M. Bruno Le Maire

…une aberration écologique car cette mesure reviendrait à financer les énergies fossiles ; une aberration budgétaire car elle creuserait le trou de la dette de l’État ; une aberration géopolitique parce que l’argent irait tout droit dans la poche de M. Poutine !

Mme la présidente

S’il vous plaît, chers collègues, un peu de silence !

M. Bruno Le Maire

Quant à nous, nous proposons d’autres mesures et nous les mettons en œuvre. Nous avons obtenu de TotalEnergies qu’il plafonne le prix des carburants à 1,99 euro et nous obtiendrons des distributeurs qu’ils appliquent des prix coûtants à la pompe dans chaque station-service. Par ailleurs, nous allons instaurer une indemnité carburant, que votre groupe devrait soutenir, monsieur Descoeur puisque vous voulez aider ceux qui travaillent. Le Gouvernement apporte une aide à ceux qui travaillent et non à ceux qui prennent leur 4x4 pour partir en vacances !

M. Jean-Pierre Taite

Complètement hors-sol !


Mme la présidente

La parole est à M. Vincent Descoeur.

M. Vincent Descoeur

Monsieur le ministre, tous les Français qui ne peuvent pas se passer de leur véhicule, notamment pour leur travail, attendent une réponse immédiate du Gouvernement pour 2024 !


 

Mme la présidente

Avant de donner la parole au président Marleix, je souhaite féliciter, après le XV parlementaire, M. Fabien Di Filippo, vainqueur doublement médaillé du championnat national cycliste des élus et anciens élus. S’il y a d’autres sportifs dans l’hémicycle, qu’ils se signalent !La parole est à M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix

Nous sommes très fiers de notre champion, Fabien Di Filippo.Madame la Première ministre, est-il possible de ne jamais apprendre de ses erreurs ? Après Alstom, Alcatel, Technip, nous voilà à la veille d’un nouvel abandon de souveraineté industrielle avec le démembrement projeté du géant des services numériques Atos, qui emploie, je le rappelle, 50 000 personnes dans notre pays.

M. Patrick Hetzel

Dommage que M. Le Maire soit déjà parti, cela lui ferait du bien d’entendre ça !

M. Olivier Marleix

Une fois de plus, les liquidateurs de l’industrie française sont à la manœuvre et se partagent déjà, nous dit-on, quelques centaines de millions d’euros de commissions et d’honoraires, ce qui n’est pas mal pour une entreprise prétendument au pied du mur. Une fois de plus, on nous racontera qu’Atos étant privée, il convient de laisser faire. Ce serait oublier qu’elle n’est pas une création spontanée du marché, mais l’héritière de la volonté politique du général de Gaulle de doter la France de supercalculateurs indispensables à la dissuasion nucléaire, l’héritière de Bull, qui a bénéficié de centaines de millions d’euros de commande publique, ainsi que de la recherche publique financée par le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, le CEA, ou par le ministère des armées. Atos est la seule entreprise européenne capable de fabriquer les supercalculateurs indispensables dans le monde de l’intelligence artificielle. Elle héberge les données sensibles de nombreux ministères ; elle est au cœur de votre stratégie France 2030, avec le projet d’ordinateur quantique.

M. Jean-Paul Lecoq

Et elle est administrée par Édouard Philippe !

M. Olivier Marleix

Certes, Atos a perdu la confiance des marchés et 90 % de sa valeur, mais elle demeure rentable : rien ne justifie cette précipitation. Madame la Première ministre, le Gouvernement est-il prêt à intervenir pour sauvegarder cet acteur majeur de notre souveraineté industrielle ?


Mme la présidente

La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne

Vous avez souligné avec force l’importance du dossier Atos. Je partage totalement votre conviction : il y a là un enjeu de souveraineté essentiel pour notre pays. Nous suivons le sujet avec la plus grande attention, en veillant surtout à ce que les activités sensibles rassemblées dans l’entité Atos BDS disposent des moyens nécessaires pour poursuivre leur développement au sein d’une organisation qui assure la protection de nos intérêts. Je pense en particulier à l’activité concernant les supercalculateurs.L’opération de rachat en cours concerne Tech Foundations, c’est-à-dire la branche d’Atos spécialisée dans l’infogérance. L’examen des différentes offres relève du conseil d’administration d’une société privée dont l’État n’est pas actionnaire. Toutefois, même si l’opération était menée à son terme, elle n’aurait aucune incidence en termes de contrôle ou de droit de blocage sur les activités sensibles. Pour de telles activités, si une entité étrangère veut monter au capital d’une entreprise française, elle doit en effet obtenir une autorisation du ministre de l’économie au titre du contrôle des investissements étrangers. À cet égard, notre pays est aujourd’hui mieux armé pour défendre sa souveraineté : depuis six ans, nous avons considérablement renforcé les dispositifs de contrôle des investissements étrangers en France. Nous avons abaissé le seuil de déclenchement des contrôles et étendu ceux-ci à de nouveaux secteurs stratégiques comme l’intelligence artificielle, les semi-conducteurs ou la cryptographie. Résultat : entre 2017 et 2022, leur nombre a plus que doublé.Monsieur le président Marleix, je peux vous assurer que nous défendons les intérêts stratégiques de notre pays. Concernant Atos, nous restons très vigilants afin que nos intérêts souverains soient préservés en toutes circonstances.


Mme la présidente

La parole est à M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix

Je suis un peu inquiet : j’ai le sentiment que vous avez déjà acté la scission de l’entreprise en nous parlant de Tech Foundations. Ce n’est pas le rôle des banquiers d’affaires d’imaginer l’avenir de cette entreprise, c’est le rôle de l’État ; c’est même, oserai-je dire, son devoir.

M. Maxime Minot

Très bien ! Très, très bien !


 

Mme la présidente

La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine.

Mme Emmanuelle Anthoine

Le 19 septembre dernier, l’Azerbaïdjan a attaqué les Arméniens du Haut-Karabakh en violation du cessez-le-feu du 10 novembre 2020. Cette agression, perpétrée au mépris du droit international, vise à imposer la loi du plus fort. Elle intervient après neuf mois d’un blocus qui a privé de nourriture, de soins, d’éducation et d’électricité les 120 000 habitants de ce territoire, dont – j’insiste – 30 000 enfants.Après avoir provoqué une grave crise humanitaire, l’Azerbaïdjan a précipité le Haut-Karabakh dans l’abîme de la guerre. Plus de 200 personnes tuées et 400 blessés, dont de nombreuses victimes civiles, sont à déplorer à l’issue de ces affrontements. Le peuple arménien, peuple martyr, paye une fois de plus le prix du sang, en étant victime d’injustices géopolitiques. Le sentiment d’abandon des Arméniens du Haut-Karabakh est à la hauteur de leur dénuement.Les voilà désormais contraints à l’exode. Plus de 13 000 réfugiés sont arrivés en Arménie au terme d’un voyage sans retour, laissant derrière eux tous leurs biens, toute leur vie, toute leur histoire. Une culture multiséculaire est sur le point d’être effacée. La destruction des traces de la culture arménienne a déjà commencé avec la destruction de khatchkars et d’églises. La crainte d’un nettoyage ethnico-culturel est plus forte que jamais.Nous devons impérativement apporter des garanties de protection aux Arméniens du Haut-Karabakh. L’inaction coupable de la communauté internationale a rendu possible le drame qui se joue aujourd’hui dans le Caucase. Au-delà des paroles, il faut des actes car l’Azerbaïdjan pourrait ne pas s’arrêter là et poursuivre ses attaques contre l’Arménie, dont elle occupe illégalement une partie du territoire.Alors, madame la ministre, la France va-t-elle organiser l’envoi d’une mission internationale, particulièrement nécessaire pour garantir la sécurité des Arméniens du Haut-Karabakh ?


Mme la présidente

La parole est à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Mme Catherine Colonna

Madame la députée, je vous remercie de votre question qui me permet de compléter les réponses que j’ai faites précédemment.Je veux en particulier affirmer qu’aucun pays – je dis bien aucun – n’aide davantage l’Arménie que la France, vous le savez très bien. C’est vrai sur le plan diplomatique : toutes les réunions du Conseil de sécurité des Nations unies consacrées à ce sujet, toutes sans exception, se sont tenues à l’initiative de la France. En outre, comme je l’ai déjà dit, c’est également à l’initiative de notre pays qu’une mission d’observation est déployée en Arménie.C’est également vrai sur le plan humanitaire. Mon ministère a mobilisé plus de 5 millions d’euros en faveur de l’Arménie et des populations arméniennes du Haut-Karabakh. Au vu des événements des derniers jours, j’ai décidé de porter cette aide à un niveau beaucoup plus élevé en accordant 7 millions supplémentaires.Puisque vous nous demandez des actes, sachez que nous avons également renforcé notre relation de défense avec l’Arménie. Un attaché de défense sera présent à l’ambassade de France à Erevan. Par ailleurs, nous ouvrirons prochainement une antenne consulaire dans la région de Syunik, près de la frontière. Voilà autant de preuves tangibles de la présence déterminée de la France aux côtés de l’Arménie.L’abandon de l’Arménie par la Russie et même la complicité de cette dernière dans les opérations militaires engagées par l’Azerbaïdjan rendent encore plus nécessaire une action diplomatique internationale. Je souhaite que l’Europe se tienne plus fortement encore aux côtés de la France. Elle doit prendre acte de cette réalité et agir avec nous en faveur du respect de l’intégrité territoriale de l’Arménie et pour préserver le droit historique des Arméniens du Haut-Karabakh à vivre sur ce territoire s’ils le souhaitent.Voilà quelle est notre action, madame la députée. Je vous remercie d’encourager la diplomatie française à la poursuivre de manière encore plus forte – pas seule, mais avec d’autres, elle en a besoin.